Im Dambi. Ce nom ne me dit absolument rien et pourtant, lorsque mon regard se pose sur la demoiselle, un souvenir nous concernant me revient très nettement en mémoire. C’était il y a longtemps, à l’époque où j’étais encore escort boy. Une activité dont je ne suis pas très fier mais qui avait le mérite de payer mes études de médecine et les factures. Si je m’en souviens bien, ce soir là je formais de jeunes recrus au racolage de clientes dans la rue. Le but était bien sûr de leur faire du charme et d’essayer de les attirer dans le club pour les pousser à consommer. Dambi répondait aux critères même si sa réaction n’a pas été celle que j’espérais. Et nous revoilà face à face, après qu’une éternité se soit écoulée. Elle en patiente, moi en médecin. La vie nous joue parfois de drôle de tour…

Je suis en général bienveillant et charmant avec mes patients mais avec elle, je vais avoir du mal à faire semblant. Je suis pourtant un bon acteur mais je n’arrive pas à rendre mon sourire moins crispé alors que j’entre dans la salle d’examen.
« Bonjour Mademoiselle Im. Je suis le docteur Kim. »
A cet instant, alors que nos regards se croisent, je me demande si elle se souvient de moi. Si c’est le cas, ça doit lui faire drôle de se retrouver face à moi. Quoiqu’à l’époque j’avais les cheveux blonds, ils sont désormais noirs…
« Bon et si vous me disiez ce que je peux faire pour vous. »
Je tire un tabouret près de la table d’examen sur laquelle Dambi est assise. C’est ma dernière patiente. Une fois la consultation terminée, ma garde le sera également et je pourrais enfin rentrer prendre une douche et passer du temps avec Teelek. C’est à ça que je dois me raccrocher pour rester professionnel et ne pas laisser un vieux ressentiment ressurgir inopinément.

Ne jamais tourné le dos face au potentiel danger même si celui-ci semble être sous contrôle. Elle aurait dû prendre garde à ces mots, car aujourd’hui la scientifique avait encore échappé belle. Dambi s’en sortait plutôt bien quelques égratignure dont une sur le front et pour la plus grande mais sans grande conséquence une plaie ouverte sur le bras nécessitant quelques points de suture. Rapidement, la jeune femme quitta le laboratoire pour retrouver le service des urgences de l’hôpital avec un motif bateau pour camoufler la réalité de ce qui venait de se passer et qui devait absolument rester secret. Un médecin arriva alors qu’elle était assise sur la table d’examen, la main comprimant la compresse sur son bras. Elle le jugea du regard, la tête de ce garçon qui ne lui disait rien. « Ça ne se voit pas. » Un ton sec dénué de sympathie quelque peu dédaigneux et énervé. Ses yeux se posèrent sur le badge afin de connaître complétement l’identité de ce docteur Kim. « Une des qualités que doit posséder un bon médecin c’est sa capacité d’observation docteur Kim. »  Elle lève son bras qu’elle comprimait. « Pour les égratignures laissez tomber. Faite-moi juste des points de suture à mon bras, ça suffira. » La jeune femme n’avait guère envie de perdre son temps assise sur une table d’examen à se faire soigner. Elle avait des choses bien plus importante à faire, notamment punir à sa façon le cobaye qui avait failli lui trancher le cou avec un objet tranchant en verre qu’il avait réussi à obtenir en cassant un gros erlenmeyer.

Elle souleva un peu la compresse devenue bien rouge, une grimace déforma ses lèvres. Ce n’était pas profond, mais tout de même assez douloureux. « Vous semblez être un nouveau. J’espère que vous ferez une suture correcte. » Parfaite serait peut-être trop lui en demander. Est-ce qu’elle se sentait en confiance ? Pas du tout. Peut-être que si cela avait été Jongdae, ça aurait été différent. Bien que ce dernier n’aurait très certainement pas gobé ce pipo d’accident. Bien que son visage pouvait rester impassible, son meilleur ami ne la connaissait que trop bien. Elle espérait d’ailleurs que cette situation ne lui remonte pas aux oreilles pour ne pas avoir à poursuivre ce mensonge.

Elle est tout simplement charmante. Comme dans mon souvenir et je sens que le petit tête à tête que nous allons passer ensemble sera aussi savoureux que notre première rencontre. Bien sûr, je suis ironique mais dieu merci je suis plein de compassion, de patience et surtout j’ai gardé une bonne dose d’hypocrisie datant de l’époque où j’étais escort boy. D’ailleurs c’est justement le métier que j’exerçais à l’époque où je l’ai rencontré et force est de constater qu’il y a parfois des choses, en l’occurrence ici des gens, qui ne changent pas.

J’affiche un sourire crispé à sa remarque cinglante avant d’enfiler une paire de gant et d’approcher la petite table à roulette sur laquelle se trouve mon nécessaire à suture.
« Laissez-moi examiner votre bras, s’il vous plait. »
Reste calme Minsu, ça ne te ressemble pas de perdre pied. Même si cette demoiselle mérite qu’on la remettre à sa place, abstiens-toi car c’est une patiente comme une autre. Une patiente qui souffre et que tu dois soigner.

J’ai beau me répéter ces mots, je ne suis pas certain d’y arriver… En attendant, j’essaie de me concentrer sur ma tâche, retirant son bandage pour examiner sa plaie et la nettoyer.
« Ne vous en faites pas, je suis doué dans mon genre. Vous n’aurez pas de cicatrice. »
Même si elle le mériterait.
« Dites-moi mademoiselle Im, j’aimerais bien savoir comment vous vous êtes fait ça. Est-ce qu’on vous a agressé ? Peut-être dans une ruelle non loin de ces clubs où les escort boy aiment aguicher les jolies demoiselles sans se douter du genre de dragon sur qui ils peuvent tomber ? »
Clairement, ma question est très orientée et je me demande si elle saisira l’allusion. Dans tous les cas, je laisse échapper un léger rire avant de lui faire une petite anesthésie locale même si j’aurais adoré la recoudre à vif. Malheureusement je suis trop gentil pour ça. Bon et puis au passage, je l’ai quand même traité de dragon et je me demande si elle va saisir l’insulte au vol ou pas. Si elle fait un scandale pour ça, je n’aurais qu’à dire que je me suis mal exprimé.

Doué ? La jeune femme doutait face à cette confiance alors qu’il n’avait même pas saisit dès le début le problème pourtant si visible au regard de la jeune femme. Elle ne bougea pas, l’écoutant déblatérer des choses dont elle ne comprenait pas le sens. Pourquoi évoquait-il des clubs et d’escort ? Ressemblait-elle à ce genre de nana qu’ils aimaient aguicher ? « Vous avez l’esprit vraiment tordu. » Qu’il lui demande si elle s’était faite agresser n’était pas surprenant, elle en aurait fait sûrement de même à sa place, même si de son côté la réponse en réalité elle s’en fichait bien. Le sort des autres lui importaient peu, seul une minorité avait le droit à son estime et la sympathie de sa part. Les privilégier comme Jong Dae qui devait très certainement être le seul représentant de son cercle d’ami à être capable de voir une facette différente de ce qu’elle pouvait montrer en général. « Faire des suppositions est une tare qu’il serait préférable pour vous de supprimer. » Supposition farfelue à laquelle une personne lambda n’aurait très certainement pas pensé.

Dambi, le regarda fronçant les sourcils en se rappelant des mots qu’ils avaient prononcés ? Un dragon ? Cette créature avait beau être un symbole fort et majestueux, il était évident que dans la bouche de cet homme ce n’était pas ces traits qui étaient souligner. « Ah et aussi apprenez à connaître votre place, car un dragon pourrait bien mettre un terme à votre carrière à peine commencé docteur Kim. » Parler à Jongdae était une option à laquelle elle pouvait pencher, mais la jeune femme avait également d’autre cartes en main. Le sang des Im coulait dans ses veines. Combien de fois ses parents avaient pu utiliser leur nom pour piétiner d’autre toute en discrétion sans que jamais cela ne leur porte préjudice ? Dambi n’avait aucun scrupule à en faire de même. Elle se fichait de ce que l’on pouvait penser d’elle de toute façon. « Pour ce qui est de la raison de cette blessure, vous n’avez qu’à vous référer sur ce qui a été écris sur la feuille de renseignement. Vous n’avez pas besoin d’en savoir plus. » Tout façon, la jeune femme ne comptait guère en dire plus, après tout la présence du laboratoire sous l’hôpital était secret. Un secret qu’elle emportera dans sa tombe comme ces nombreux confrères participant à ces expérimentations inhumaines.

Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors que je m’incline poliment devant le dragon.
« Toutes mes excuses mademoiselle… »
Un rapide coup d’œil vers son dossier pour donner le change, avant de reprendre comme si j’avais eu besoin de vérifier son nom :
« Mademoiselle Im. Loin de moi l’idée ni l’envie de vous manquer de respect. Je ne suis qu’un modeste interne en médecine et je ferais au mieux pour vous satisfaire. »
Elle n’a plus aucun souvenir de cette nuit-là. D’un autre côté, je ne devais être qu’un misérable insecte de plus sur son chemin. Il n’est finalement pas surprenant qu’elle m’ait oublié. De mon côté, j’ai une excellente mémoire surtout vis-à-vis des gens qui ont pu se montrer imbuvable avec moi. Notre premier échange avait été bref, mais suffisant pour que je me fasse une bonne idée du personnage et l’avoir à présent face à moi ne fait que me conforter dans cette idée. Un vrai dragon.

Heureusement mon ancien métier d’escort boy m’aura au moins appris à me montrer aimable même avec ceux qui ne le méritent pas. D’ailleurs elle a de la chance que je sois un médecin dévoué et consciencieux. Je ferais en sorte qu’elle ne garde aucune cicatrice qui pourrait lui rappeler cet incident.
« Ne bougez pas, je vais vous faire une anesthésie locale avant de vous recoudre. Quant à votre agression, si vous ne souhaitez pas en parler ni porter plainte, je n’insisterais pas mais sachez que vous pouvez toujours solliciter un rendez-vous avec l’un de nos psychologues. »
Peut-être que consulter lui fera du bien. Pas pour parler de son agression mais de son complexe de supériorité de dragon car si elle ne prend pas garde, des cornes vont finir par lui pousser sur la tête et des écailles vont recouvrir son corps. Rien qu’en y pensant, je dois faire un effort presque surhumain pour ne pas rire. Il ne manquerait plus que ça.
« Avez-vous besoin que nous appelions un proche pour venir vous chercher ? Vos parents ou un petit-ami peut-être ? »
Mon dieu, qui voudrait d’un dragon pareil ? Un âne ? Immanquablement des images de Shrek me reviennent en mémoire. Ça m’apprendra à regarder la télé avec mon neveu. Maintenant j’ai encore plus envie de rire.

Il l’énervait. Elle le regardait de cette même façon dur et dédaigneuse qu’elle avait pour les autres êtres humains de cette terre qui l’insupportait. Le jeune homme n’avait pas fait grand-chose mise à part peut-être utiliser les mauvais mots pour s’adresser à elle. Il en fallait de toute façon peu pour agacer la scientifique. « Merci pour votre conseil, mais je n’en ai pas besoin. » Ce n’était pas la première fois que ce genre d’accident se produisait, même si cette fois sa peau avait été tailladé à peine plus profondément qu’une simple coupure. Avait-elle mal ? Oui aussi incroyable que cela pouvait paraître, la poupée de glace pouvait ressentir la douleur comme tout être humain qui se respectait. À défaut de ne rien ressentir au niveau de son cœur.

Une petite grimace à la piqûre dont elle tourna un peu le visage pour que cela ne se remarque pas, même si cela lui donnait l’impression d’avoir peur de voir l’aiguille. Chose qui n’était guère le cas. Doucement elle sentit la douleur s’atténuer, mais cette sensation désagréable restait tout de même encore présente. « Prescrivez-moi juste des antalgiques. Pour ce qui est des soins après je m’en chargerai moi-même. » Sur un bras ce n’était pas sorcier, si cela avait été sa main peut-être que la demoiselle aurait bien plus galéré, surtout si cela avait été sa main dominante. À qui elle aurait bien pu demander de faire des soins. Jongdae ? Oui, elle pourrait malheureusement ce dernier ne l’aurait très certainement pas lâché pour savoir ce qui lui était arrivé. Mauvaise idée et vu le peu, voir l’inexistence de personnes avec qui elle entretenait de bonne relations, Dambi n’aurait pû demander à personne. Seule. La triste réalité qui ne l’impactait guère.

Elle l’écouta tandis qu’il s’exécuta dans la suture. « Vous croyez réellement que ceci nécessite que j’appelle qui que ce soit ? » Toute façon même si cela avait été plus grave, elle doutait quant au fait que ses parents se déplacent pour elle. En plus actuellement il n’était même pas en Corée. Petit-ami ? En avait-elle déjà eu un ? La seule relation que la jeune femme avait pu avoir c’était celle de fiançailles arrangé qui s’était rompu suite à la trahison de son cher fiancé. Un mariage non souhaité de sa part et qui avait préféré fugué rejoindre celle qu’il aimait. Fiancé qui aujourd’hui était devenu son très cher cobaye. « Je ne compte pas rentrer chez moi pour une si petite chose. Dès que vous avez fini et que vous m’avez fait ma prescription je retourne à mon travail. » Rester chez elle à ne rien faire était tout bonnement inimaginable pour cette droguée du boulot.