Monster - Shigure feat In Na

Assises sur une chaise, mes doigts tapotent avec énervement la table présente devant moi. J’essaye de me contenir. De ne pas faire un massacre. Pour éviter de croiser du monde, j’ai donc choisi une salle vide. Pas de réunion prévue au programme, donc pas de risque de rencontrer des personnes à qui j’arracherais la tête sans aucune raison. Du moins sans aucune raison apparente. J’essaye d’évacuer la pression en soupirant, mais ça ne fait qu’empire mon état de rage. À quoi servent les règles, si c’est pour que ce genre de chose arrive ? Ma réputation, n’est-elle pas suffisante pour mettre en garde de ne pas toucher à mes affaires ? Est-ce trop demander que de me réclamer la permission ? Actuellement, je ne sais pas qui est la cause de ce massacre, mais une fois que j’aurais fait cracher le morceau à Zero, ce stupide scientifique n’aura plus de tête.

En plus d’avoir abîmé mon chaton préféré, cette expérience non-demande retarde tous mes projets personnels. Qui est sérieusement le crétin qui ne pense pas à ce genre de chose ? N’est-on pas là pour faire avancer la science ? Quel est l’intérêt de saboter les études des autres ? Ce n’est pas comme s’il n’y a pas assez de cobayes pour tout le monde. Quand bien même ça aurait été le cas, cette personne n’aurait jamais dû toucher au cobaye qui m’est réservé tout personnellement.

Mon regard est aussi sombre que la nuit. Il n’est pas bien difficile de s’imaginer toutes les choses horribles qui traversent mon cerveau, que je ferais subir à cette personne une fois que je l’aurais retrouvé. Petit scientifique imprudent et égoïste, tu as intérêt à bien te cacher. Par chance pour lui, mon projet de vengeance se voit subitement interrompu alors qu’une voix se fait entendre. Mon regard se pose un instant sur la tasse de café posé devant moi, avant que celui-ci ne coulisse vers la personne qui a interrompu ma solitude. Quand je suis dans cet état, il est très dangereux de venir me parler. Fort heureusement, il s’agit de Shigure. Nous n’avons pas beaucoup de lien, mais je le respecte suffisamment que pour ne pas m’en prendre à lui.

-« Ce qui me contrarie ? Oh, mais rien ne me contrarie. Je suis juste occupé à imaginer la façon dont je tuerais l’imbécile qui a touché à mon cobaye. »

Ma voix est glacial comme le marbre. Quand je suis dans cet état, il est très difficile de me ramener à la raison. Une fois que je décide de me venger, rien ne peux m’arrêter. Demander à mon ex-petit ami dont les organes trône fièrement dans des bocaux dans ma salle d’expérience.

-« Tu ne connaîtrais pas le nom de ce petit lapin que je rêve d’éviscérer par le plus grand es hasard ? »

Je retiens un petit rire mais pas le sourire qui se dessine sur mes lèvres lorsqu’elle me parle de tuer l’imbécile qui a osé toucher à son cobaye. Il y a des choses sacrées ici et chaque scientifique se doit de respecter le travail des autres. Lorsqu’on s’approprie un cobaye c’est souvent pour une bonne raison et il ne me prendrait jamais l’envie de toucher à l’un de nos rats de laboratoire en sachant qu’il est déjà marqué. Qui sait les dégâts que je pourrais lui faire ? Mais surtout à quel point cela pourrait compromettre le travail d’un collègue.  
« Non je ne le connais pas… Du moins pas encore. »
Mon sourire s’étire un peu plus, prenant par la même occasion une teinte légèrement sadique à la douce perspective d’un mauvais coup. Mais est-ce bien raisonnable ? Ne devrais-je pas plutôt être la voix de la sagesse et tenter d’apaiser sa colère ? Quand je la regarde, je me dis que c’est peine perdu. Elle a besoin d’assouvir sa colère et il serait dangereux de vouloir l’en empêcher.
« Je peux te proposer quelque chose. »
Un frisson d’excitation parcourt mon corps au regard qu’elle me lance. In Na est une femme dangereuse et je dois avouer que j’adore ça et que c’est sans doute ce qui me plait le plus chez elle.
« Trouver qui l’a mis dans cet état serait un jeu d’enfant pour moi et pour tout te dire, cela fait longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de chasser quelqu’un… »
En d’autres termes, tuer en dehors du complexe. C’est un sport auquel j’aime m’adonner à l’occasion mais qui n’est pas sans risque. Cela dit il permet d’exulter sa contrariété, sa frustration, sa colère ou tout simplement ses pulsions sadiques. J’avoue que depuis que je travaille ici, je n’ai pas vraiment eu l’occasion ni ressenti le besoin de le faire mais une occasion pareille ? Comment passer à côté. D’autant plus que je n’ai jamais eu la chance de chasser en duo… Et l’idée de le faire avec une femme comme elle, m’excite particulièrement.
« Et j’aimerais beaucoup que tu me laisses participer à ce règlement de compte. »
Je porte mon gobelet de café à mes lèvres sans la quitter du regard, comme pour lui faire comprendre que je suis sérieux.
« Je pourrais également remettre sur pieds ton cobaye. Je travaille sur une formule de gel cicatrisant particulièrement efficace. Pour le moment son seul véritable effet secondaire est un excès de libido chez le sujet qui l’utilise. En somme, rien de bien méchant. »

Honnêtement, Shigure a de la chance, si cela n’avait pas été lui, il est certain que je n’aurais pas même toléré sa présence à mes côtés. Cependant, ce type dégage quelques choses de différent. Est-ce nos folies respectives qui communiquent silencieusement entre elles ? Étrangement, je me sens un peu plus détendu alors que mon regard est accroché au sien. Sentiment de confiance ? Peut-être pas jusque-là, mais ce que j’éprouve en cet instant est similaire. N’importe qui aurait en cet instant essayer de me calmer. De résonner mes sombres pensée, mais pas Shigure. Sa première phrase m’indique d’ailleurs très clairement sur quelle pente, il est occupé à me conduire. Je ne feins pas l’indifférence, on peut très clairement lire en moi que je suis intéressé, alors que son sourire provoque, à l’identique, l’étirement de mes lèvres.

Finalement, peut-être que ce scientifique mérite que je lui porte un peu plus d’intérêt qu’à l’accoutumé. Je me penche d’ailleurs légèrement en avant, afin de me rapprocher de lui, à l’instant même où il me confie avoir quelque chose à me proposer. L’intérêt est clairement visible dans mes yeux, alors que ce sourire ne quitte pas mes lèvres. Ais-je trouvé mon alter-ego masculin ? Si ce n’est pas le cas, cela semble pourtant s’en rapprocher très clairement.

Je ne suis pas une chasseuse. Du moins, ce n’est pas dans ma nature de traquer et tuer les gens à la moindre contrariété. Habituellement, je préfère susciter la peur et lire la crainte dans leur regard à chaque fois que leur chemin croise le mien. Cependant, plus les mots de Shigure s’écoulent de ses douces lèvres, plus un doux spectacle se dessine dans mon esprit. La perspective de jouer ensemble, m’excite soudainement follement. Adieu rage et colère. Le plan parfait vient subitement de s’offrir à moi sur un plateau d’argent.

Changement radical d’attitude alors que je me penche encore plus en avant pour m’emparer de son gobelet afin de le déposer sur la table à nos côtés. Nouant mes mains derrière sa nuque, mon regard s’ancre sérieusement dans le sien. Avec moi, le danger n’est jamais bien loin. Cependant, ce scientifique a réussi à attiser suffisamment ma curiosité pour que je devienne d’humeur un peu plus joueuse.

-« Et bien dans ce cas, occupe-toi de mon cobaye. Pour les effets secondaires, tu en ferras ce que tu voudras. Je n’ai pas pour habitude de prêter mes jouets, mais ta proposition m’intéresse beaucoup et me donne envie de jouer avec toi. Attrapant son menton entre mes doigts, la flamme dansant dans mes yeux se teinte légèrement de noir. Cependant gare à toi, si je t’accorde le droit de participer à ma petite vengeance, tu n’auras pas intérêt à trahir ma confiance. Lâchant son menton, ma main vient doucement glisser à hauteur de son coup. Serrant légèrement ma prise, je me penche légèrement sur le côté afin d’atteindre son oreille. En revanche si tu combles mes attentes, je pense que je serais te donner beaucoup de plaisir autrement que dans l’excitation de tuer ce méchant petit lapin. »

J’aime ce que je vois dans le fond de son regard lorsqu’elle attrape mon menton. J’aime aussi cette proximité et ce semblant d’intimité qui se créait entre nous. Je souris à sa mise en garde mais ne me moque pas d’elle loin de là. Je sais qu’elle est sérieuse mais surtout dangereuse. C’est en toute connaissance de cause que je l’ai approché et j’aime sa façon de s’exprimer. Aussi bien avec les paroles que les gestes.
« Je veillerais alors à ne pas te décevoir et à être à la hauteur de tes attentes. »
Sur ces mots, je prends sa main, celle qui serre mon cou et la porte à mes lèvres pour y déposer un baiser. Mon cœur est pris, il appartient à Yin, cependant je suis tout à fait libre d’aimer passer du temps avec une autre femme et d’en faire mon amante. Est-ce l’idée que j’ai en tête ? Ce n’était pas mon intention lorsque je lui ai apporté ce gobelet de café ni proposé mon aide. Cependant après avoir entendu ses dernières paroles, je suis curieux de découvrir le genre de plaisir qu’elle peut bien m’offrir. Cependant chaque chose en son temps. La chasse d’abord le plaisir après.

Je libère sa main puis sors mon téléphone portable que je déverrouille avant de le lui tendre :
« Laisse-moi ton numéro. Je t’appellerais un peu plus tard pour te dire où nous retrouver. »
Trouver le responsable de l’état de son cobaye sera facile tout comme le suivre et repérer le bon moment pour disons… je laisserais In Na choisir le sors qu’elle veut lui réserver. Parfois, la vie s’avère pire que la mort et en la matière les femmes ne manquent pas d’imagination.
« En tout cas, il me tarde de partager avec toi cette nouvelle expérience. »
Un sourire carnassier se dessine sur mes lèvres avant que je ne termine mon café et parte à la recherche des informations dont nous aurons besoin pour identifier notre proie. Et ce n’est pas bien difficile lorsqu’on sait à qui s’adresser pour savoir très exactement ce qu’on veut. Je n’ai donc aucun mal à avoir le nom d’un collègue ni d’autres informations personnelles sur lui. Avec mon sourire charmeur et mon air détaché, on me dit facilement oui. Je ne suis pas directement lié à cet homme et ce n’est pas à mon cobaye qu’on s’en est pris. In Na par contre, aurait peut-être eu un peu plus de mal mais je ne doute pas qu’elle serait parvenue à ses fins.

Une fois les informations désirées en ma possession, je compose le numéro d’In Na pour lui donner le lieu et l’heure de notre rendez-vous. Que la chasse commence !