Say you want me too [NC -18] - Minsu feat Seung Min

Je ne suis pas encore interne mais mon parcours est tout de même ponctué de stage à l’hôpital. Je dois avouer que c’est ce que je préfère. Me retrouver avec une blouse blanche à suivre notre professeur comme le ferait un petit poussin avec sa maman poule. C’est dans ces moments là où je me sens le plus heureux. Je ne suis plus un grand frère, plus un oncle bienveillant et encore moins un escort boy. Je suis juste un étudiant en médecine, un jeune homme comme les autres et l’idée que je serais un jour médecin dans cet hôpital me rempli tellement de joie ! Bien sûr ça ne sera pas facile mais j’y arriverais. Je n’ai pas le choix de toute façon.

Je suis habituellement très sérieux et attentif lorsque je suis à l’hôpital. Je suis également excité comme une puce mais bon, j’essaie de me contenir pour ne pas ressembler à un gamin qu’on emmènerait dans un parc d’attraction mais c’est plus fort que moi. Je ne peux pas faire autrement qu’afficher un large sourire. Mais ce dernier se fige soudain lorsque je croise son regard dans le hall. D’ailleurs est-il utile de préciser que mon cœur a raté un battement avant de reprendre une course effrénée dans ma poitrine ? Mon estomac se noue également mais c’est assez étrange car c’est à la fois douloureux et agréable. Je crois que c’est ça qu’on appelle avoir des papillons dans le ventre et très franchement, c’est n’est pas signe du tout pour moi qui me suis toujours refusé à m’attacher à qui que ce soit depuis Min Su… Est-il possible qu’après tout ce temps le mur que j’ai érigé autour de mon cœur s’effrite si subitement ? Mais surtout est-il possible de ressentir ça pour un parfait inconnu ? Et de lui je ne connais pas grand-chose même si nous avons partagé une nuit que je n’oublierais jamais.

Notre professeur nous libère. Nous pouvons soit retourner à la fac, soit rester l’aider sur quelques cas. Habituellement je suis le premier à vouloir rester mais là tout de suite, la seule chose que je fais, c’est m’approcher prudemment de lui pour au moins le saluer un peu trop timidement à mon goût.
« Salut. »

☆☆☆ Après un dernier regard jeté au message sur son téléphone, Seung Min s'aventure dans le couloir de l'hôpital. Il a eu les infos d'un ancien collègue et se dirige d'un pas décidé. Professionnel, droit. Bien habillé. Il avait des trucs à faire et semblait digne d'être un directeur marketing quelconque. Visiblement, il allait rejoindre quelqu'un; il avait deux gobelets de café entre les mains. Il tourne le coin du couloir et pose aussitôt les yeux sur sa destination, un policier en uniforme se tenant face à la porte de la chambre. Il s'approche donc, le bruit de ses pas faisant lever la tête à l'homme qui semble surpris, mais sourit en le reconnaissant. « Détective Kwan! Qu'est-ce que vous faites ici, on nous a dit qu'on vous avait transféré? » Seung Min répond au sourire. Poli, faussement chaleureux. Mais qui aurait pu deviner sa petite comédie de toute façon? « Effectivement, mais j'aime bien garder un oeil sur mes anciennes affaires. » Il tend l'un des cafés au policier et pointe le patient dans chambre. « Ça fait combien de temps? » Le policier lui fait donc un rapide briefing. Une histoire de kidnapping par la mère, après le meurtre du père. Rien de bien joyeux. Mais Seung Min à vu pire. Il est simplement satisfait que la gamine ai été retrouvé, toujours trop investi dans ces histoires d'horreurs et d'enlèvements d'enfants malgré lui. Il reste pensif un moment alors que le policier continue de parler. « ...- et puis on aurait peut-être besoin d'un petit coup de main de votre part. » Oups. Il n'avait pas écouter la suite. Il avale sa gorgée. « Pardon? » Demande-t-il, pris sur le fait. « Pour la gamine. Vous avez toujours les bons mots pour sortir les vers du nez des victimes en état de choc. »

Il ne répondit pas, hochant simplement la tête en prenant une nouvelle gorgée. Oui bien sûr qu'il avait les bons mots. Il disait ce qu'il aurait voulu entendre lui-même, les mots rassurants et encourageants qu'on n'avait pas jugé nécessaire de lui dire au poste de police. Mais inutile de préciser ce détail. Son téléphone sonne juste au bon moment. Il tend son café à l'autre, s'excusant, et s'éloigne pour répondre, retournant vers le hall. Inutile de déranger des patients qui essayent simplement de récupérer en paix. Au passage, il croise un petit groupe auquel il ne porte pas trop attention, absorbé par sa conversation. Il croise un regard, detourne la tête, fronce les sourcils, puis jette un coup d'oeil par dessus son épaule quand son cerveau enregistre l'information. S'il y avait bien quelqu'un qu'il ne pensait pas voir alors qu'il travaillait, c'était certainement le mec avec qui il avait couché. Surtout si peu de temps après leur rencontre. Il le regarde une seconde ou deux, le temps que la surprise passe, puis se concentre de nouveau sur son appel, avançant un peu plus dans le hall pour s'appuyer contre le mur sans déranger personne. Il avait du travail à faire après tout, mais l'appel est rapide et plein de bonnes nouvelles. « Très bien. Dis à ton contact de me faire parvenir les dossiers que j'y jette un coup d'oeil. Merci. »


Il raccroche, jette un coup d'oeil à ses mails, puis tourne les talons pour se diriger à nouveau vers le couloir, mais il remarque l'autre rapprocher avant. Alors il reste là, attendant qu'il le rejoigne. Il le salut timidement et le policier lui fait un sourire, heureusement plus amical que simplement poli. Après tout, il pouvait bien faire un effort; c'était une relation très spécifique entre eux. Alors qu'au bar il était presque le cliché même d'un mec qui se laissait aller et profitait dune soirée bien arrosée, là il est bien plus professionnel. Bien habillé, bien articulé. Quelqu'un qui faisait une bonne impression au premier coup d'oeil. Une aura différente que celle qu'il avait lorsque lui et son amant avaient partagé son lit. Il lui répondit simplement, mais avec tout de même un peu de chaleur dans la voix. Après tout, c'est Minsu qui était venu vers lui en premier, il devait bien avoir quelque chose a lui dire. « Hey. »

Sourire maladroit, mains moites, cœur qui bat la chamade et estomac noué… Autant de signes effrayants qui me donneraient presque envie de demander : Est-ce que c’est grave docteur ? – Oui. Mais je ne veux pas entendre le diagnostic. Pas maintenant, pas tout de suite et peut-être même jamais. Je ne suis pas prêt, pas pour ça. Après mon diplôme peut-être et encore… J’élève un gosse qui n’est pas le mien. Qui voudrait qu’un mec comme moi ? Mais chut… Ce n’est pas le moment pour ça. Chassons toutes ces pensées pour me concentrer sur lui et putain… Qu’est-ce qu’il est classe… Qu’est-ce qu’il est beau…

Je ne me sens pas très à l’aise. Je ne sais pas quoi faire de mes mains ni de mon sourire alors je fais la seule chose que je sais faire dans ces moments-là, je sors une sucette. Elle est à la fraise. Ce n’est pas mon parfum préféré mais les gamins au service pédiatrie m’ont fait les poches. Enfin façon de parler, j’ai plutôt partagé avec eux ce que j’avais sûr moi. Résultat je n’en ai plus à l’orange mais tant pis.

Je retire l’emballage tout en me plantant devant lui et porte ma friandise à mes lèvres.
« Franchement, je ne pensais pas te croiser avant notre rendez-vous. »
Je souris. Je suis nerveux et heureux mais également amusé. Bref, c’est un torrent de sentiment que ce mec m’inspire et j’ai tellement de mal à clairement le définir.
« Je suis en stage ici. J’suis étudiant en médecine. »
Je suis gêné parce que je ne suis pas qu’étudiant mais je ne me vois vraiment pas lui dire : et puis je me prostitue aussi pour vivre mais t’inquiète, je ne le ferais pas toute ma vie. Non franchement, ce n’est pas un truc qu’on dit à un mec qu’on kiffe… Et je le kiffe tellement. Je pensais que ça me serait passé mais en le revoyant je me rends compte que non et que c’est bien pire que ce que je pensais.
« Et toi ? T’es venu voir quelqu’un ? »
Il n’a ni l’air malade, ni blessé alors j’en déduis qu’il n’est pas là pour consulter.

☆☆☆ Seung Min regarde l’autre prendre une sucrerie dans sa poche, mais cette fois il ne lui enlèvera pas; ils ne sont pas dans un endroit adéquat pour que le policier s’amuse avec lui après tout. Il était ici pour affaire et rien d’autre. Il le détaille quand même des yeux rapidement. C’est étrange de le voir vêtu ainsi, surtout parce qu’il ne s’y attendait pas. Mais il ne fait aucun commentaire; Après tout ils étaient encore des inconnus. Il ne savait rien de Minsu et, heureusement, Minsu ne savait rien de lui. Il était bien décidé à ne pas étaler sa vie devant ses amants, et il était décidé à ce que le jeune homme face à lui ne fasse pas exception. Le mot rendez-vous le tiquer, mais il ne laisse rien paraître. Il déteste toujours autant cette expression, surtout qu’il se doutait qu’ils allaient se revoir pour passer la nuit ensemble et non pour un dîner aux chandelles. Mais bon, il se contente de lui sourire, comme si de rien n’était. Inutile de jouer les difficiles maintenant.

Il aussi un sourcil appréciateur en apprenant la raison de la présence de Minsu ici. Étudiant en médecine? C’était pas rien. De longues études en vue. Beaucoup de travail à venir. « Ah bon? Bonne chance, ça ne doit pas être toujours facile. » Seung Min avait eu tout un lot de corps mutilés sous les yeux. On ne faisait pas carrière dans la justice sans se frotter à des trucs sanglants et dégoûtants, et il se doutait qu’en tant que médecin, les corps n’avait plus de secret à leurs yeux. Quel romantique, de penser à ce genre de trucs, alors que face à lui Minsu pensait à toute autre chose.

À la question que lui pose l’autre, il penche la tête de côté, l’air pensif, avant de répondre. « On peut dire ça. Juste une gamine. » Son ton détaché doit être le signal clair que ce n’est pas quelqu’un proche de lui. Après tout, il ne la connaît pas cette gamine. Il ne fait que comprendre sa situation. Et puis, à la base, il venait ici pour recueillir des informations. Le coupable était toujours au large et-... Bref. Inutile de se lancer dans des raisonnements pour le moment. Mais Minsu remarquerait surement qu’il était préoccupé par quelque chose en rapport avec cette gamine. « Je ne te retiens pas, j’espère? » Finit-il par demander, se grattant la nuque au passage. Pas qu’il détestait d’avoir croisé l’autre; il ne voulait simplement pas l’empêcher de faire ce qu’il avait à faire. Il avait vu assez d’hôpitaux pour savoir que les employés étaient occupé sans arrêt.

J’esquisse un sourire à sa remarque. Oui ce n’est pas facile, surtout avec la vie que je mène mais je m’accroche et je ne lâcherais rien. Je ne réponds pas non plus à son commentaire car je ne suis pas du genre à me plaindre. Je savais dans quoi je mettais les pieds en choisissant médecine et puis il parait que je suis courageux et que j’ai la fibre d’un battant. Alors advienne que pourra !

De son côté, il se montre évasif sur sa réponse. La logique voudrait qu’il me dise à son tour ce qu’il fait dans la vie mais il ne prend pas la peine de me donner cette information. Il ne me donne pas non plus de détail sur cette gamine qu’il vient voir mais à la façon dont il en parle, je n’ai pas l’impression qu’il en soit proche. Finalement, il ne me dit presque rien et je comprends facilement qu’il préfère préserver sa vie privée. Certains clients sont comme ça alors je capte assez vite le message même si d’une certaine manière je me prends un peu une douche froide. Il ne me le dit pas vraiment mais c’est tout comme : lui et moi on a couché ensemble, on recouchera sans doute ensemble mais c’est tout. Je ne sais pas ce que j’ai cru l’espace d’un instant mais je me sens soudain stupide mais surtout très mal. Une chance que j’ai ma sucette dans la bouche et que j’ai tendance à sourire quand je suis mal à l’aise ou que je ne sais pas comment réagir face à une situation.
« Non… non… j’ai fini mais je comptais continuer à trainer dans le coin avant… »
J’hésite, craignant de me prendre un véritable vent cette fois… et puis merde tant pis autant être fixé tout de suite ! Histoire que les choses soient claires entre nous…
« D’aller prendre un café mais c’est peut-être moi qui te retiens. Tu as peut-être beaucoup trop de chose à faire pour prendre le temps d’un café avec moi. »
Putain… ça y est c’est sorti et je regrette déjà mon invitation tellement je me sens mal et pas prêt à me prendre le plus gros vent de ma vie.

☆☆☆ Seung Min cligne des yeux à ce que l’autre dit, comme si soudainement il revenait sur terre. À son ton, l’autre semblait presque froissé. Et comme ils pensaient à des choses totalement différentes, le policier crû que c’était simplement parce qu’il semblait distant, pas parce que l’autre vivait un petit moment de conflit intérieur. Alors il sourit, doucement, un sourire d’excuse, avant de parler de nouveau, déjà beaucoup plus présent mentalement qu’il ne l’était il y a quelques secondes. « Pardonnes-moi. J’ai beaucoup de chose en tête. » Cette tendance à garder les gens heureux parce que c'était plus facile lui donnait l’air de vraiment s’en faire pour les autres. À l’invitation de l’autre, il reste silencieux, pensant à sa réponse. Par habitude, il allait refuser. Mais il considère que de garder Minsu heureux lui promettait un bon moment avec lui plus tard. Et puis, Seung Min avait appris depuis longtemps qu’il était plus simple de faire plaisir aux gens que de s’entêter à rester dans son coin.

« J’ai déjà pris un café. » Qui l’attendait justement plus loin dans un couloir avec un pauvre policier qui devait en avoir marre de le tenir pour lui. Il passe sa langue sur ses lèvres, pensif pendant quelques secondes, avant de parler à nouveau. La pause a surement été suffisamment longue pour faire un peu craquer le pauvre coeur de Minsu, surtout que le policier fait un pas pour retourner vers la chambre, jetant tout de même un coup d’oeil à la montre autour de son poignet. « Par contre, je n’ai pas eu le temps de manger encore, alors si tu as envie de grignoter quelque chose… » Il laisse sa phrase en suspens, lui faisant un clin d’oeil qui est tout sauf professionnel. Il avait sauté le déjeuner, aussi bien faire d’une pierre deux coups, n’est-ce pas?

Si ma sucette empêche que mon air boudeur soit trop visible, il n’en ait rien pour le sourire qui s’imprime sur mon visage lorsqu’il s’excuse et qu’il m’explique qu’il a l’esprit ailleurs. Il n’a pas besoin de m’en dire plus pour que je me montre compréhensif. Nous nous connaissons à peine et il va falloir que je me tempère si je ne veux pas le faire fuir. J’ai tendance à être susceptible et à me vexer assez rapidement. Je pense que c’est la raison pour laquelle je préfère ne pas me lier avec les gens. C’est tellement plus facile comme ça mais avec lui, je n’y peux rien parce que d’une certaine manière c’est déjà trop tard. Mon corps réagit de lui-même et j’ai beau essayer, je ne peux pas empêcher mon cœur de battre si vite et si fort pour lui.

Je joue avec ma sucette et la croque brusquement lorsqu’il décline mon invitation. Malgré moi je crois que ça doit se voir sur mon visage que je suis déçu même si je ne peux m’empêcher d’esquisser un léger sourire, teinter de tristesse et de déception mais un sourire quand même. C’est mon mécanisme de défense naturel. Généralement, les choses se passent mieux comme ça…

Il jette un coup d’œil à sa montre alors que je baisse les yeux tout en me disant que ce n’est pas très grave et que nous nous reverrons bien assez vite. Après tout, nous avons déjà un rendez-vous de callé. Et puis voilà qu’il me fait une proposition inattendue, qui fait bondir mon cœur de ma poitrine. Un large sourire fend mon visage alors que je mords le bâton de ma sucette.
« Ok, faisons ça alors. »
Je suis content. Non je suis heureux et je n’arrive pas à arrêter ce flot de bonheur qui m’envahit. Je devrais pourtant essayer de me contrôler et de m’empêcher d’éprouver ce genre de chose pour ce bel inconnu mais je ne peux pas. D’ailleurs, je sens mes joues rougir légèrement à son clin d’œil mais surtout au sous-entendu que je crois déceler. Bon sang, je me comporte comme un minet et ça ne me ressemble pas. D’habitude quand j’adopte ce genre de comportement, c’est uniquement dans le cadre de mon travail pour plaire à un client, donc c’est pleinement simulé. Mais avec lui, ce n’est pas le cas et je me sens du coup un peu ridicule.
« Bon… je vais récupérer mes affaires, je te laisse finir ce que tu faisais et on se retrouve ici ? »

☆☆☆Seung Min lui fait un sourire. Un de ces sourires dont il a le secret. Charmeur et à la fois presque aguicheur. Il a tout vu sur le visage de l’autre. La déception, l’espoir, et la joie. Il était toujours étonné de voir les gens passer par autant de sentiments en si peu de temps; surtout à cause de quelqu’un d’autre. Lui qui n’était pas le moins du monde affecté par ce que les gens autours de lui faisait, cherchait toujours pourquoi les humains réagissaient ainsi. Observer les visages changer autour de lui était devenu quelque chose de surprenant. Et Minsu semblait être un parfait exemple à observer. Il écoute la proposition avant de hocher la tête pour acquiescer, tournant les talons pour retourner vers la chambre. « À tout de suite. »

Il va donc rejoindre le policier qui lui redonne son café. Ils échangent quelques informations pendant quelques minutes, Seung Min souhaitant être tenu au courant. Une fois satisfait, il retourne vers le hall, prenant un appel au passage. Ce n’est pas pour rien qu’il a la tête ailleurs; son travail semble prendre tout son temps lorsqu’il est de service. Perfectionniste, il a toujours tenu à faire un boulot impeccable. Il s’appuit le dos contre un mur, le téléphone à l’oreille, parlant à voix basse pour ne pas déranger ceux autour en attendant que Minsu le rejoigne. Il avait quelques dossiers à faire parvenir à quelqu’un, des analyses preuves à recevoir plus tard dans la journée et un rapport à terminer. Il était quelqu’un d’occuper, se jetant corps et âme dans son travail, surtout depuis sa promotion. Mais surtout, il avait l’air beaucoup plus sérieux lorsqu’il travaillait. Dur de croire que quelques jours plus tôt, il ramenait un inconnu chez lui. Et qu’il lui avait quelques mauvais coups avant son départ. À croire que la vraie personnalité de Seung Min n’était ni l’une, ni l’autre tellement elles étaient opposées.

Il ne me répond pas immédiatement. Il n’a pas besoin de le faire, son sourire parle pour lui. D’ailleurs je dois dire que si ce n’était pas déjà le cas, je suis à présent complètement conquis pour ne pas dire entièrement sous son charme. Seung Min… pourquoi a-t-il fallu que je croise ta route ? Je n’ai pas de regret, j’ai juste peur de ce qui est en train d’arriver entre nous. Enfin, j’imagine que je verrais bien où tout ça nous mènera. En attendant je vais m’autoriser à me laisser un peu aller et à penser à moi en vivant ma vie au lieu d’essayer simplement de survivre.
« Oui, à tout de suite. »
Mon sourire est idiot, je le sais et je n’arrête pas de me le répéter pourtant je n’arrive pas à m’en défaire. Je suis d’une nature souriante mais alors avec lui, c’est encore pire. Je lui fais un petit signe de la main puis nous partons chacun de notre côté. Je me sens léger et heureux. Ce n’est pas tous les jours que ça arrive alors j’en profite. C’est comme une bouffé d’oxygène. Je la savoure et en même temps, j’ai peur de ne plus être capable de m’en passer.

Je rejoins les vestiaires où je croise quelques camarades. D’habitude, je ne suis pas le premier à m’en aller bien au contraire mais aujourd’hui c’est un peu spécial et je dois dire que j’ai hâte de le retrouver.

Je range ma blouse et attrape mon sac. Je consulte malgré tout mon portable au cas où il y aurait un problème avec les garçons. Mes frères sont grands mais mon neveu à encore besoin de moi. Heureusement RAS. J’ai quelques messages du boulot mais je les lirais plus tard. Là tout de suite, je veux juste le rejoindre et en arrivant dans le hall, je constate qu’il est déjà là. Est-ce utile de préciser l’état dans lequel je me trouve lorsque mes yeux se posent sur lui ?
« Me voilà ! J’espère que je ne t’ai pas fait trop attendre. »
Un large sourire fend mon visage. Il est sincère mais surtout heureux.
« Bon, tu as envie de grignoter un truc en particulier ? »
Ma question est naïve et sans arrière-pensée même si bien vite je me souviens de son clin d’œil de tout à l’heure, ce qui fait légèrement rosir mes joues.

☆☆☆Lorsqu'il voit l'autre revenir, le policier s'empresse de mettre fin à la conversation, confirmant qu'il rappellerai plus tard dans la journée. Il met sa sonnerie sur silencieux, avale d'une traite le reste de café devenu maintenant froid, puis se tourne vers Minsu en se redressant. On dirait bien qu'il avait fait sa journée en acceptant simplement de faire quelque chose avec lui, vu le sourire du jeune homme. Était-il si facile à rendre heureux? Certains ne souriant pas facilement, mais ça semblait presque naturel chez Minsu, lui donnant envie de comprendre comment il faisait pour devenir si facilement de bonne humeur. Cette tendance à tout sur-analyser ne le lâchait visiblement jamais. Seung Min répond au sourire - parce que c'est rassurant pour les autres de croire qu'il partage leur joie - en faisant un pas vers la porte, s'assurant que l'autre le suis. Il remarque les joues du jeune homme rougir alors qu'il lui demande si il veux manger un truc particulier, lui faisant hausser un sourcil. Dans un cadre moins professionnel, il lui aurait sûrement répondu quelque chose qui aurait accentuer le rougissement, mais en ce moment en plein jour et au milieu d'un hôpital n'était pas le meilleur endroit pour jouer les aguicheur. « Je suis pas souvent dans le coin. Tu as quelque chose en tête? » Lui lance-t-il, innocemment. Mais son sourire semble dire qu'il a très bien compris ce qu'il pensait.

Après tout, vu comment leur première rencontre c'était déroulée, il y avait quelque chose de presque normal de se dire qu'aujourd'hui encore quelque chose pouvait bien se passer entre eux. Seung Min n'avait pas ce besoin de mieux connaitre les gens autour de lui. Dire qu'il n'avait aucun intérêt ne serait pas exact par contre ; il n'avait juste pas ce besoin d'en apprendre sur les autres et il ne possédait pas l'empathie nécessaire pour pouvoir s'identifier aux expériences d'inconnus. Il s'agissait plutôt d'un manque de compétence en relation humaine plus que d'un manque sévère d'intérêt. Il attend donc une proposition d'endroit de la part Minsu; après tout il n'était pas vraiment difficile avec la nourriture, si ce n'était que la saveur d'une chose ou deux qui lui donnaient des haut-le-coeur, mais elles étaient facilement évitable heureusement. Et il parle, pour faire la conversation, surtout pour mettre l'autre à l'aise. Parce que personne n'est jamais à l'aise quand il se contente de rester silencieux. Et puis les gens aimaient souvent parler d'eux-même. « Médecine, hm? Comment t'as choisi ce métier? »

Où peut-on bien manger pour pas cher dans le coin ? Réfléchissons… J’ai bien quelques idées mais j’ai du mal à me décider et alors que j’y réfléchis toujours, voilà qu’il me questionne sur ce que je fais. Mon sourire s’étire un peu plus avant que je ne lui réponde :
« J’ai une sœur jumelle qui a une santé assez fragile. Elle a été obligée d’aller vivre à la campagne alors qu’on était encore petit et être séparé d’elle a été très douloureux pour moi. Alors je crois que c’est pour pouvoir aider des gens comme elle que j’ai voulu devenir médecin. »
Ça me fait bizarre de parler de quelque chose d’aussi personnel avec un parfait inconnu. Mais ce n’est pas non plus n’importe lequel. Celui-ci est spécial à mes yeux et c’est sans doute la raison pour laquelle je lui ai répondu en toute sincérité. D’ailleurs j’ai parlé de ma sœur au présent car au fond de mon cœur je sais qu’elle est toujours en vie. Je ne sais juste pas où elle est. Un peu comme Min Su ou bien Min Jun… c’est fou quand même… chaque fois que je suis un peu trop attaché à quelqu’un il disparait. Et si Seung Min disparaissait lui aussi du jour au lendemain ? Je chasse aussitôt cette idée de mon esprit. Inutile de commencer à se faire du mauvais sang pour rien et concentrons-nous sur l’instant présent.
« Je sais où on pourrait manger. Viens, c’est par là. J’espère que tu aimes les brochettes. »
J’attrape son poignet pour le guider dans la direction voulu avant de le lâcher de peur que mon geste soit mal interprété ou bien qu’il le mette mal à l’aise. Je le suis déjà bien assez pour deux. J’ai agis sans réfléchir, sans me dire que ça pouvait le déranger. Alors pour ne pas laisser le silence s’installer entre nous, je décide de rebondir :
« Et toi ? Du coup qu’est-ce que tu fais ? »
Tout à l’heure il n’avait pas l’air de vouloir en parler mais peut-être que c’était simplement parce qu’il avait l’esprit ailleurs.

Seung Min reste silencieux, écoutant l’autre parler. Il ne laisse rien paraître, mais est surpris de la quantité d’informations sortant soudainement de la bouche de Minsu. Mais ça semble être une bonne raison. Pas comme s’il y avait vraiment une réelle mauvaise raison de devenir un médecin. Il était tout de même impressionné. Ce genre d’études prenaient beaucoup de temps et beaucoup de travail. Lui-même n’avait pas été à l’école si longtemps. Sa promotion avait été un don du ciel. Il avait travaillé d’arrache-pieds pour être un employé parfait, mais s’il n’avait pas croisé la route de Seong- Hun, il serait peut-être encore qu’un simple policier dans un coin de la ville. Minsu lui attrape soudainement le poignet pour le diriger, mais le lâche rapidement. Pas que Seung Min ai fait un mouvement quelconque pour que l’autre le libère, mais ce n’était pas comme si ça le dérangeait qu’il le lâche. Il le suit, ricanant comme si il trouvait la réaction de l’autre adorable. Ses réactions face à ce que les gens faisait étaient toujours aux bons moments, parfaitements scriptées. Aussi naturel que n’importe qui.

Et Minsu lui pose la question sur son boulot. Quelque chose qui le rend toujours extrêmement fier. Mais la raison pour laquelle il ne dit rien n’a rien à voir avec le fait qu’il ne veut pas en parler; il n’est juste pas assez investi que ça envers les autres pour parler de lui, tout simplement. Mais quand on lui pose la question directement, il a sa réponse toute faite, bien qu’elle ne soit plus tout à fait exacte depuis sa promotion. Après tout, il n’irait pas crier sur les toits qu’il travaille en sécurité interne, auprès d’une escouade tactique spécialisée. Il fallait garder des secrets dans la vie et celui-là pouvait être une question de vie ou de mort. « Détective de l’agence nationale de police. » répondit-il donc, sa réponse étant la même qu’il répétait à ceux qui lui posait la question. Une réponse bien formulée, bien dit, claire. Aucune place aux questionnements sur son poste. « Il te reste combien d’années d’études? » demande-t-il ensuite. Après tout, il ne sait pas l’âge exacte de l’autre. Il ne sait rien. Et il trouvait ça bien ainsi. Mais l’autre avait l’air de vouloir en savoir plus.

Détective de l’agence nationale de police… Ainsi donc les menottes dans sa table de nuit n’étaient pas un sex-toy mais plutôt un instrument de travail. Dommage, je me serais bien fait arrêter… J’esquisse un sourire pensif à cette idée avant de réaliser qu’il pourrait peut-être réellement le faire un jour. Je veux dire… je ne suis pas tout à fait clean. Je me prostitue et je dois de l’argent à un mafieux qui m’a plus ou moins pris sous son aile. Alors fréquenter un policier, on peut dire que ce n’est absolument pas raisonnable. Mais depuis que mon regard à croisé le sien dans ce bar, ai-je un seul instant fait le bon choix ?
« En tout cas je suis très impressionné. »
Même si je n’espère qu’aucune de ses enquêtes ne le mènera vers l’un des établissements où j’exerce mes activités ni vers Han Jinwoo et encore moins vers l’un de mes clients. Je sens mon estomac se contracter légèrement à cette pensée. Je n’ai pas vraiment peur de finir en prison. Je doute qu’il y ait réellement matière pour ça. Non, ce dont j’ai le plus peur, c’est de son regard. Je sais bien que tôt ou tard, il le découvrira mais peut-être pas tout de suite et pas comme ça. Je prendrais le temps pour lui dire la vérité mais en attendant, nous ne sommes pas suffisamment proches pour ça. D’ailleurs je ne sais même pas si ce jour arrivera vraiment.

Le sujet revient vers moi et je chasse toutes ces angoisses inutiles de mon esprit :
« Je suis en 4e année et je commence mon internat de médecine dès l’an prochain. Je serais payé et je pourrais mettre en pratique ce que j’aurais appris. Je ne serais pas diplômé avant quelques années mais ça sera un bon début. »
Et il me tarde que ce moment arrive ! Je pourrais alors abandonner l’escorting et mener une existence normale. Enfin je l’espère.
« Ah ! Regarde ! On y est presque. C’est juste là. »
Je lui montre une petite échoppe qui ne paie pas de mine mais dont les brochettes sont à tomber !
« Dis-moi que fais-tu après ? Je veux dire tu as un programme chargé ou bien tu as un peu de temps à me consacrer ? »
J’ai du mal à réprimer un sourire lorsque je lui pose toutes ces questions qui sont loin d’être innocentes.

Oh, Minsu. Si tu savais. Il a des menottes pour le boulot. Celles dans la table de chevet n’étaient pas aussi solides que celles dont il se servait dans le cadre de son travail, mais elles faisaient bien l’affaire quand le temps de jouer un peu plus agressivement venait. Seung Min le regard lorsque l’autre mentionne qu’il est impressionné. Il a presque envie d’en rire. Il a vue des gens tellements plus impressionnants que lui-même. Le visage d’un homme en particulier flotte dans sa tête quand il est temps de parler de gens impressionnant. Mais c’était une autre histoire. Il ne répond rien au commentaire. C’est le genre de trucs qu’on ne lui dit pas souvent et qu’il n’a pas entendu beaucoup de monde se dire entre eux; il n’a donc pas la réaction appropriée pour ce genre de commentaire. En cas de doute, il sourit doucement. Aussi bien le prendre comme un compliment plutôt que d’avoir une expression neutre qui pourrait porter à confusion.

Il hoche doucement la tête en écoutant ce que l’autre lui dit. L’air de rien, il tends tout de même l’oreille. Recueillir des informations, c’était une partie importante de son boulot après tout. Et il était doué avec ce genre de chose. Il avait une bonne mémoire pour ce qui était de retenir des détails sur des situations ou des gens. Alors ce que Minsu lui disait ne quitterai pas son cerveau. Il retenait beaucoup de chose, pensant que les nouvelles informations remplaceraient les vieilles et qu’il oublierait. Peut-être. Qui sait.

Il pose les yeux sur l’endroit que lui pointe l’autre, allant pour se diriger vers la porte lorsque Minsu lui pose la question. Du temps à lui consacrer? Le sous-entendu ne pourrait être plus clair. Seung Min passe sa langue sur ses lèvres, regardant autour. Puis il jette un regard à sa montre. Il avait un peu de temps avant de devoir filer chercher un rapport d’un médecin légiste. Il semble pensif jusqu’à ce qu’il redresse la tête. « Allons manger d'abord. On aura peut-être le temps pour le dessert. » Il dit le tout sans broncher, sans l’air de rien. Mais le petit tressaillement au coin de ses lèvres est assez pour faire passer le message.

Il semble hésiter. J’imagine qu’il doit être très occupé, ce que je peux comprendre maintenant que je sais ce qu’il fait dans la vie. Je dois même dire que je le regarde différemment et sans doute avec une pointe d’admiration dans les yeux. D’ailleurs est-il utile de dire qu’un large sourire fend mon visage à sa réponse ? Elle est pleine de sous-entendu et de promesse qui provoque chez moi un léger frisson. Le dessert, hein ? Je me demande bien ce qu’il a exactement en tête mais j’imagine que je le saurais bien assez tôt.

Nous entrons et par chance il n’y a pas grand monde. Nous allons pouvoir nous assoir au comptoir, un peu à l’écarte des clients déjà installés afin de pouvoir discuter tranquillement sans être gêné par les autres.
« Leurs brochettes de poulet sont à tomber ! Non en réalité, tout ce qu’ils servent ici est délicieux. C’est bon, copieux et pas cher. J’avoue que c’est également l’une des raisons qui me font aimer mes périodes de stage à l’hôpital. »
L’espace d’un instant je m’imagine en médecin en train de le soigner et inévitablement je repense à son corps marqué de cicatrice. Je n’avais pas osé le questionner à ce sujet mais à présent, tout devient logique.

Le type derrière le comptoir s’approche de nous pour nous tendre une carte et nous demander ce qu’on souhaite boire. Pas d’alcool pour moi. J’en bois suffisamment au travail comme ça et puis vu l’heure un coca sera plus approprié sans parler que j’ai besoin d’avoir du sucre dans la bouche mais également de la caféine pour m’aider à rester éveillé. J’ai bossé tard hier et j’ai peu dormi. J’espère que je ne suis pas trop affreux à voir avec mes cernes. Si j’avais su que je le croiserais, j’aurais fait en sorte d’avoir meilleure mine.

« Et du coup, tu travailles dans la police depuis longtemps ? »

Seung Min suit l’autre à l’intérieur, regardant autour. Il sortait majoritairement dans les mêmes endroits et ne s’aventurait pas souvent ailleurs, sauf si le boulot le nécessitait. Il avait ses habitudes et les gardait en général, non par peur de l’inconnu mais plutôt parce qu’il n’en avait tout simplement pas envie. Comme il restait seul, il avait rarement des gens avec qui sortir pour lui faire découvrir des endroits - et il le vivait très bien ainsi. Il suit donc l’étudiant, satisfait qui l’entraîne à l’écart loin des autres clients, détaillant silencieusement l’intérieur de l’établissement. Il s’assoit à côté de Minsu, prenant un air amusé à ce qu’il lui dit, mais sans répondre.

Minsu allait sûrement devoir s’y faire; Seung Min n’était pas quelqu’un qui parlait beaucoup s’il n’avait pas besoin de dire quoique ce soit. Même lors de leur nuit passée ensemble, il n’avait pas dit plus que ce qu’il pensait nécessaire, alors sa langue ne se déliait pas simplement parce qu’ils se trouvaient en publique, dans un cadre plus amical qu’une partie de jambes en l’air. Il fallait toujours lui arracher des mots, en lui posant des questions ou en lui demandant son avis. Sinon, il avait la tendance de simplement écouter. Laisser les autres s’exprimer, lui laissant le loisir de se concentrer sur ses expressions faciales. C’est ce genre d’attitude qui lui valait des réactions négatives un peu trop souvent; parce qu’il ne disait rien, on assumait aussitôt qu’il jouait les prétentieux.

À l’arrivée de l’homme derrière le comptoir, Seung Min se contente que de l’eau. L’alcool reste sa boisson fétiche, mais il a du boulot. Et bien que rien ne le satisfaisait plus que de boire, il prenait son travail à coeur. Alors il restait sage pour l’instant, ramenant plutôt son regard sur Minsu lorsque ce dernier lui pose une nouvelle question. Il semblait bien décidé d’en apprendre plus sur le policier, en tout cas. Il semble pensif un moment. Il a toujours eu du mal avec le temps depuis ce qui lui était arrivé. « Plus ou moins cinq ans, je crois. J’ai eu de bons coups de main au passage. » répond-t-il finalement. Et c’était vrai cette fois. Il avait eu de bons contacts, mais aussi de bons mentors. Des gens qui voulaient l’aider et le voir réussir. Il avait eu beaucoup de chance, après tout. Observant Minsu, il se demande silencieusement s’il ne devrait pas faire un peu plus la conversation. « Alors, tu viens souvent manger ici? Avec les heures d’études que tu as, ce doit être plus simple que de toujours cuisiner. » Finit-il par ajouter, tentant de faire un effort pour que le silence ne s’installe pas trop longtemps entre eux.

Cinq ans… J’en déduis qu’il a commencé jeune puisque nous avons plus ou moins le même âge. C’est dans ces moments là que je me dis que je ne me suis pas facilité la vie en choisissant médecine. J’aurais pu m’orienter vers une voie plus courte qui m’aurait permis de bien gagner ma vie mais que voulez-vous ? C’est mon rêve et j’aimerais pouvoir au moins respecter la promesse que j’ai fait à ma sœur lorsque nous étions enfants, lorsqu’elle a été obligée d’aller vivre à la campagne. Ce jour-là, je lui ai juré de devenir un grand médecin pour soigner toutes sortes de maladie et aider les gens qui ont une santé fragile comme elle, à aller mieux. C’est naïf et pourtant j’ai envie de m’accrocher aux reliques d’une enfance qui m’a été volée trop tôt.

Je suis encore perdu dans mes pensées lorsqu’il me questionne à son tour. J’esquisse un sourire gêné, comme pour m’excuser de ma courte absence. Je n’ai pas envie qu’il pense que je m’ennuie en sa présence. C’est tout le contraire, je me sens bien avec lui… je dirais même que je me sens tellement différent… Peut-être parce que je n’ai pas besoin de faire semblant ?
« Absolument pas. »
Je retiens un petit rire avant de lui donner plus d’explication.
« En fait j’adore cuisiner. D’habitude je prépare moi-même mes repas mais il y a certains jours, j’avoue avoir du mal à m’organiser. »
Surtout quand je rentre particulièrement tard et que je traine un peu trop au lit pour tenter de grappiller quelques minutes supplémentaires de sommeil.
« Alors pour les jours comme aujourd’hui, j’ai mes bonnes adresses. Mais à l’occasion, je te ferais goûter ce que je prépare et tu me diras ce que tu en penses. Il parait que j’arrive à convaincre les plus difficiles. »
Et faire manger des légumes à mon neveu, n’est pas toujours de tout repos. Je dois user d’astuce pour les accommoder de sorte qu’il les mange.
« Tu n’auras qu’à me dire quel est ton plat préféré et je te le préparais façon Minsu à l’occasion. »
Je porte alors mon coca à mes lèvres tout en me disant que je vais finir par le faire fuir avec ce genre de proposition qui laisse présager que je me projette déjà sur une suite à notre rendez-vous déjà programmé dans ce bar…
« Et toi, c’est comment d’être flic ? Est-ce que tu arrives à avoir du temps pour toi ? »

Et encore, Minsu est un flot d’informations. Seung Min est presque impressionné par la quantité de chose qu’il a appris en simplement venant dans un restaurant avec lui. Peut-être était-il le genre qui se confiait facilement lorsqu’on leur ouvrait la porte. Il le laisse parler avec plaisir, cependant. Ne pas avoir à se forcer de répondre sans arrêt pour montrer son intérêt est beaucoup moins fatiguant. Alors il accueille les informations, les analysant silencieusement. Le jeune homme sonne comme la parfaite fée du logis. À côté, Seung Min doit faire pâle figure. Sa cuisine est d’une propreté incomparable, surtout parce qu’il ne l’utilise pratiquement jamais, mangeant presque toujours des trucs tout préparer, ou carrément sautant des repas quand il n’a simplement rien.

Quand il lui propose de lui faire goûter ses plats, Seung Min se contente d’un sourire amusé. « Ah bon? » dit-il, mais sans vraiment acquiescer réellement. Il finissait toujours par s’arranger tout seul pour ce qui était de la nourriture... jusqu’à ce qu’un certain policier remettre les pieds en Corée du Sud et lui ramène des plats assez fréquemment. Il fallait dire que ses habitudes alimentaires étaient loin d’être les plus santé - ou économique. Et bien qu’il ne l’avouait pas vraiment - rechignant à chaque fois qu’il lui donnait des plats préparés - il appréciait un peu ce geste. Alors la proposition de Minsu avait quelque chose de familier. Presque rassurant. Mais Seung Min n’avait pas tendance à garder le contact avec ses amants assez longtemps pour en arriver à une relation où il goûtait les plats des autres. C’était quelque chose qui semblait trop romantique pour qu’il s’aventure là. Il savait faire semblant d’être un ami, mais jouer la comédie comme s’il était en couple, très peu pour lui.

« C’est… mouvementé. » Répond Seung Min après quelques secondes de réflexion. Il a beaucoup de chose à penser, mais aussi a gérer. Il des affaires qu’il n’a pas voulu lâcher après sa promotion, et maintenant il a beaucoup de recherches sur les bras pour certains trucs. Une famille de Yakuza en particulier entre autre. Des histoires de kidnapping. Et puis il y avait son côté perfectionniste; il s’entraînait, garder ses habilités aiguisées lorsqu’il n’avait pas de trucs concrets à faire. Alors, effectivement, il n’avait pas beaucoup de temps pour lui. Mais il ne s’aidait pas à avoir du temps, se tenant aussi occupé qu’il le pouvait. Ses moments libres étaient pris par les recherches qu’il faisait par lui-même. Se tenir occupé l’empêchait de réfléchir à des choses auxquelles il ne voulait pas penser. « Je travaille beaucoup, mais je trouves toujours un peu de temps. Tu as le temps de trouver un boulot, avec ces études? »

Il ne réagit pas beaucoup à ma proposition et dans un sens ce n’est pas plus mal. C’est disons trop tôt pour ce genre de chose entre nous. Enfin je crois. À vrai dire je n’ai pas vraiment d’expérience dans les relations de ce genre. Je veux dire j’avais 14 ans quand j’ai commencé à sortir avec Min Su et j’en avais 17 quand il a disparu du jour au lendemain. C’était disons un amour de lycée. On était un couple d’ado. Aujourd’hui je suis un adulte avec comme toujours, beaucoup trop de responsabilité pour un garçon de mon âge. En plus avec mon travail… est-ce que j’ai seulement le droit d’avoir une relation… disons sentimentale avec quelqu’un d’autre ? Bon sang, je m’étais toujours interdit ça. En 8 ans, la question ne s’était même pas posé et là, juste parce que j’ai croisé ce mec dans un bar, qu’on a couché ensemble sans contrepartie, voilà que je me prends la tête avec les battements de mon cœur mais également les projections d’une relation qui pourrait arriver entre nous ou pas… Bon du calme Minsu, respire, bois ton coca et arrête de te prendre la tête. Profite juste du moment. Ça n’engage absolument à rien.

J’hoche la tête quand il me dit qu’il travaille beaucoup. En même temps vu son boulot, ça peut se comprendre. Je porte à nouveau mon coca à mes lèvres et manque de m’étouffer avec lorsqu’il me demande si j’ai un boulot en plus de mes études. Je m’essuie la bouche avec ma serviette en papier tout en toussant un peu alors que je sens mon estomac se contracter douloureusement. Mon cœur s’emballe également différemment. C’est la peur et le stresse. Qu’est-ce que je suis sensé lui répondre ? Ben tu sais je me prostitue pour payer mes études… Non mais sérieux ? C’n’est pas un truc qu’on peut dire surtout pas à un rendez-vous ! Et encore moins si l’autre mec est un flic !
« On va dire que je n’ai pas trop le choix. »
J’esquisse un sourire gêné tout en jouant avec ma serviette en papier.
« Alors j’ai pris un job dans un bar. C’est ce qu’il y a de plus simple en matière d’horaire et de flexibilité. »
Je ne lui mens pas vraiment. Un club à hôte reste avant tout un bar… Par nervosité, je commence à tripoter la carte qui est posée entre nous avant de la lui tendre :
« Alors quelque chose te tente en matière de brochette ? Parce que je ne sais pas toi mais je meurs de faim ! Moi je pense prendre des brochettes au poulet. »

Seung Min semble surpris en le voyant s’étouffer. Incertain, il tend la main, lui tapotant le dos. C’était… c’était bien ça qu’il devait faire? Il tente de ne rien laisser paraître, mais il ne lui ai pas souvent arrivé cette situation, aussi banale soit-elle. « Tout vas bien? » Demande-t-il simplement, préférant faire passer son incertitude pour de l’inquiétude. Parfait acteur. Terrifiant à quel point il était capable de revêtir des émotions qu’il ne pouvait pratiquement pas ressentir envers les autres. Quand il lui répond finalement, le policier retire sa main. Il hoche doucement la tête à la réponse de l’autre. « Il n’y a pas de mauvais métier. » répond-t-il simplement, sans connaître la vérité. Il supposait simplement que Minsu était peut-être gêné de faire ce boulot alors qu’il entreprenait des études en médecine, mais après tout, la majorité du monde avait eu des jobs nuls. Et puis travailler dans un bar, le rêve quoi. Accès illimité à l'alcool et a des conquêtes d'une nuit, ça aurait pu être un travail que Seung Min aurait fait avec plaisir; il aurait passé sa paie dans l'alcool par contre.

Quand le jeune homme lui tend la carte, il la prend pour y jeter un coup d’oeil. Il avait tendance à toujours manger les mêmes plats, mais il se décida rapidement heureusement. « Boeuf, pourquoi pas? » Seung Min fait un sourire à l’autre, histoire de garder son air amical, et pose la carte avant de croiser ses mains devant lui. Il a l’impression d’avoir épuisé les questions qu’il pouvait poser, alors il décide de continuer sur les boulots. Ça reste assez impersonnel pour qu’il n’ait pas à s’étaler sur sa vie et assez important pour donner l’impression qu’il s’intéressait à lui, non? « Ça fait longtemps que tu travailles là? »

« Parfait ! »
Puisque nous avons choisi, je fais signe au gars derrière le comptoir pour qu’il vienne prendre notre commande. Des brochettes de poulet pour moi et du bœuf pour lui. Je suis d’ailleurs plus détendu. Le sujet brûlant est passé, nous avons commandé et tout se passe bien entre nous. Au final, c’est plus facile que je ne l’aurais cru. Peut-être que depuis le début je me suis mis des barrières entre moi et les autres pour rien.

Mon sourire se fige à sa nouvelle question. J’ai parlé trop vite et je sens à nouveau la gêne m’envahir mais pas seulement. Je panique un peu même si je veille à ne pas le montrer. Il ne faut surtout pas qu’il s’en rende compte au risque de comprendre qu’il y a quelque chose de bizarre dans mon histoire. Je ne lui mens pas mais je ne lui dis pas non plus tout à fait, toute la vérité.
« Longtemps au point que je ne saurais compter. »
J’ai toujours plus ou moins vendu mon corps. C’est la seule manière que je connaisse de gagner beaucoup d’argent en très peu de temps. Les pervers, ce n’est pas ce qui manque même si en grandissant ma clientèle s’est peu à peu diversifiée, la rendant plus saine. Enfin peut-on réellement dire ça d’une relation tarifée ?
« En fait… »
J’hésite puis décide de lui parler davantage de moi, l’éloignant ainsi doucement du sujet brûlant que représente mon activité professionnelle.
« Je ne peux pas compter sur mes parents pour financer mes études. Alors j’ai très tôt commencé à travailler comme je pouvais. Je suis du genre débrouillard tu sais et je suis plein de surprise. »
Je lui adresse un petit clin tout en esquissant un sourire malicieux. Si tu savais Seung Min !

Nos brochettes arrivent et je lui dis alors :
« Bon appétit ! J’espère que tu vas aimer. »
J’en ai l’eau à la bouche. D’ailleurs après avoir croqué dans une brochette, je la lui tends :
« Tiens, goûte celle-ci aussi. Tu vas voir, elle est à tomber. »

Hm, ses parents n’ont pas financer ses études? Lui aussi, c’était presque ça. Sa mère devait tout de même s’occuper de deux garçons en pleine croissance, donc de payer pour les études de chacun d’eux n’avait pas été une partie de plaisir. Elle faisait de longue heures, travaillant d’arrache-pied. Du moins jusqu’à ce que Seung Min trouve un petit boulot pour s’offrir les études qu’il désirait après avoir choisi sa profession. N’importe qui entendant cette histoire et sachant que le jeune homme ne parlait pratiquement plus à sa mère l’aurait probablement traité d’ingrat. Mais voilà, c’est difficile les relations. Il a presque un ricanement au commentaire et au clin d’oeil de Minsu. Plein de surprise, oui. Même si il lui racontait presque déjà une partie de sa vie.

Le policier baisse les yeux sur l’assiette qu’il reçoit et il se rend soudainement compte d’à quel point il mourrait de faim. Sa mauvaise habitude de sauter des repas quand il décidait qu’il n'avait pas le temps finissait toujours pas le rattraper. Il attrape une brochette, pressé de faire taire son estomac qui s'est éveillé à l’odeur de la nourriture, espérant que personne ne l’a entendu. Heureusement, ce n’était pas si bruyant que ça et Minsu eu tôt fait de couvrir le bruit en parlant à nouveau, lui tendant de sa propre nourriture. Le policier avale donc sa bouchée, puis affiche un air espiègle avant de se pencher vers l’autre, prenant une bouché de la brochette en le fixant dans les yeux. L’opportunité est juste là, tendue devant lui, de faire une remarque qui ne serait pas si innocente que ça, mais il reste sage, laissant plutôt son regard tenter de lui communiquer ce à quoi ressemble cette situation. Il se redresse bien vite, passant la langue sur ses lèvres, et hoche la tête. « Pas mauvais. »

Il y a quelque chose de terriblement sensuelle dans la manière dont il goûte à ma brochette. A moins que ça ne soit moi qui me fasse des idées et qui m’emballe tout seul pour rien ? Peut-être… Après tout d’une certaine manière j’ai ce mec dans la peau. J’ai beau vouloir le nier, il n’y a qu’à voir les réactions de mon corps chaque fois que nos regards se croisent ou bien qu’il se rapproche de moi. Je perds littéralement mes moyens et pas que.

Son regard semble vouloir me faire passer un message. Il n’a pas besoin d’en dire plus pour que je comprenne où il veut en venir. Enfin je crois. Après tout je m’emballe peut-être pour rien mais allez dire ça à mon cœur qui bat à tout rompre comme pour me signifier qu’il est inutile de lutter. Je suis déjà conquis.

Il se redresse tout en mangeant et je réalise alors que j’avais retenu mon souffle. J’en rougis presque tout en affichant un sourire un peu gêné et en posant timidement mon regard sur lui. Je remarque alors qu’un peu de sauce tâche le coin de ses lèvres et sans réfléchir, je me penche vers lui avec ma serviette en papier.
« Attends, ne bouge pas. »
Je glisse mon index sous son menton pour qu’il tourne un peu plus la tête vers moi et essuie le coin de ses lèvres avec douceur. Je le fais sans réfléchir parce que j’ai passé ma vie à faire ça avec mes frères et dernièrement avec mon neveu. Quand je réalise l’intimité de mon geste mais également notre proximité, je rougis à nouveau comme une pucelle avant de me mordre la lèvre inférieure.
« Désolé, c’était plus fort que moi. »
Je m’écarte alors et reprends ma place initiale tout en piquant du nez sur mon assiette et en me demandant si je ne vais pas aller me cacher dans les toilettes.

Seung Min est beaucoup trop joueur pour son propre bien, il fallait se l’avouer. Il prenait un malin plaisir à faire réagir Minsu, surtout en publique. Il semble donc bien fier de son petit coup, souriant légèrement. Il s’apprête à proposer à l’autre une bouché de sa propre assiette, quand il voit le jeune homme se pencher soudainement vers lui. Le policier tourne la tête pour le regarder avant d’afficher un air de surprise quand il glisse un doigt sous son menton pour lui essuyer le coin des lèvres. Quand a été la dernière fois que quelqu’un a fait un truc pareil? Le fait d’être si distant envers les gens avait fait que sa propre mère ne le touchait plus depuis longtemps déjà. Il était donc surprenant qu’un presque parfait inconnu ai ce genre de geste, si doux et si familier, envers lui.

« ...C’est rien. » Répond Seung Min, le ton calme et l’air de rien, bien qu’il n’était pas revenu de sa surprise. Il n’avait pas ce genre de relation avec qui que ce soit - enfin, y’en avait un qui essayait mais qui se recevait toujours des tapes. Il ramène ses yeux sur sa propre assiette, avant de enfin en proposer à Minsu à son tour. « Je te fais goûter? » demande-t-il en lui tendant la brochette, se tournant face à lui. Il retrouve bien vite son air mesquin, préférant être joueur et retrouver son attitude de charmeur qu’il trouvait bien plus confortable que de s’étaler dans la surprise. Un peu plus et il caressait presque sa cuisse, mais il se retenait pour tout de suite. Il valait mieux le tourmenter un peu plus tard et lui faire payer pour le moment de surprise qu’il lui avait fait vivre.

Il ne semble pas mal réagir à ce que je viens de faire ce qui est un bon point je crois. En tout cas ça m’aide à me détendre. Mon sourire est moins gêné et les rougeurs de mon visage s’estompent petit à petit avant que la surprise de s’empare de moi lorsqu’il me propose de me faire goûter à sa brochette. Mon sourire s’étire un peu plus et voilà que mon cœur répond positivement à cette attention. Il se tourne un peu plus vers moi jusqu’à ce que sa cuisse frôle la mienne. Je retiens malgré moi mon souffle alors que je me penche vers lui. À chaque centimètre qui s’efface, je sens mon cœur tambouriner un peu plus fort dans ma poitrine. Comment vais-je survivre à ce rendez-vous qui n’est pourtant qu’un innocent déjeuner ?

Délicatement, je croque dans la brochette qu’il me tend. Mon visage se trouve très près du sien mais nous sommes dans un lieu public tout ce qu’il y a de respectable alors je m’abstiens de faire quoi que ce soit qui puisse choquer la clientèle. Pour tous, nous sommes deux amis qui goûtons mutuellement au plat de l’autre. Il n’y a rien de mal à ça si ce n’est que j’aimerais tellement plus, même si ce n’est pas raisonnable.

Après avoir croqué un morceau de viande, je m’écarte lentement de lui pour reprendre ma position initiale, frôlant à mon tour sa cuisse tout en esquissant un petit sourire alors que je mâche toujours ce que j’ai dans la bouche.
« C’est vraiment excellent. Je crois que tu peux te noter ce restau dans tes bonnes adresses. »
Je reviens à mon assiette puis ajoute :
« Et puis si jamais je suis aussi dans le coin, on pourra se retrouver ici pour déjeuner ensemble. »
Ok, ce n’est absolument pas dans mon budget de sortir autant mais pour lui, je veux bien faire quelques heures supplémentaires ou quelques extra, rien que pour ressentir tous ces sentiments qu’il éveille chez moi et qui me font tellement de bien.