« J’espère qu’elle arrivera vite alors. » Mes lèvres ont quitté les siennes alors que je relâche petit à petit mon étreinte, préférant être celui qui se détache le premier au risque d’être blessé s’il venait à me repousser trop brusquement. Et je me déteste déjà d’avoir franchi cette ligne que je m’étais toujours gardé de traverser. Me laisser aller à mes émotions, c’est prendre le risque de devenir vulnérable et d’ouvrir mon cœur trop tôt, trop vite… un peu comme avec Min Su… « Je vais y aller. » J’ai saisi le message. Je sais lire entre les lignes, c’est mon métier. Inutile de rendre les choses plus douloureuses pour moi.
Seung Min se laisse enlacer, tout concentré qu’il est pour profiter du baiser de l’autre. C’est une bonne façon de détourner son attention des câlins qu’il évite normalement comme la peste, bien qu’il agisse un peu plus affectueusement que normalement, considérant que l’autre apprécie peut-être plus cette façon de faire. Les doigts effleurant ses cicatrices ont presque l’effet de chocs électriques; certaines sont là depuis longtemps, mais c’est encore comme s’il venait tout juste de les recevoir. Des mauvais souvenirs enfermés sous un cadenas dans un coin de sa tête qui se contentent de lui faire des clins d’œil aguicheurs aux moments les moins opportuns, mais il s’empresse de les chasser rapidement. Minsu décolle ses lèvres de siennes et le commentaire qu’il fait le fait presque ricaner. « J’essayerai de ne pas trop te faire attendre, alors. » réplique-t-il, amusé.
Alors que l’autre lui dit qu’il devrait partir, le policier ne peut s’empêcher d’en être rassuré. L’autre lui rend la tâche beaucoup plus facile qu’il ne l’aurait crû et ce n’est pas pour lui déplaire. Tout de cette soirée lui avait plût, de ces échanges dragueurs au bar jusqu’à leurs ébats et maintenant il proposait de partir par lui-même? Venait-il de tomber sur le meilleur plan cul dont il pouvait rêver? Cette pensée le fait sourire, mais il la garde pour lui. Inutile de mettre de la pression sur l’autre.
Il se dirige vers son pantalon, lâchement abandonné au sol, pour y prendre son téléphone dans une des poches et appeler ce fameux taxi. Il jette un regard à Minsu, ayant bien envie de jouer un peu les sadiques, juste avant de le laisser quitter son appartement. Du moins, s’occuper d’ici à ce que la voiture arrive. Et le laisser rentrer avec un petit… souvenir de Seung Min.
Je me sens un peu ridicule. Je dois ressembler à une midinette déjà accro au mec avec qui elle vient de coucher alors qu’elle le connait à peine. Mais c’est complètement ça et je ne me l’explique pas. Ce plaisir que j’ai d’être avec lui, ce que j’éprouve à chaque fois que nos corps se rencontrent. Ça me donne tellement de plaisir et en même temps ça me fait peur car je me sens d’un seul coup si vulnérable. Peut-être parce que ce n’est pas comme avec les autres mais c’est justement ce qui le rend si spéciale à mes yeux. D’ailleurs je les ferme lorsqu’il me murmure dans le creux de l’oreille qu’il va m’appeler un taxi. S’il ne cherche pas à me retenir avec les mots, j’ai quand même l’impression qu’une part de lui aimerait que je reste. Sinon pourquoi continuerait-il de me caresser de cette manière ? J’hésite. Est-ce que je dois le plaquer contre le matelas et lui donner un langoureux baiser pour lui faire comprendre que je veux rester ? Je réfléchis trop et il est déjà trop car il se lève pour m’appeler ce fameux taxi. Celui qui doit me ramener chez moi et qui mettra fin à ce doux rêve. À cette petite parenthèse dans ma vie.
Je me lève à mon tour et sans un bruit, je le rejoins avant de poser ma main sur la sienne, celle qui tient son téléphone portable. « Ne t’embête pas. Si ça ne répond pas, je rentrerais par mes propres moyens. Je ne suis pas si loin que ça. » Et puis marcher me remettra peut-être les idées en place. En plus je ne suis pas en sucre. Je ne vais pas fondre avec un peu de pluie. D’ailleurs il va falloir que je rassemble mes vêtements…
Heureusement, qu’il fasse un bruit ou non, Seung Min retire ses mains de sur le corps de l’autre pour reprendre le téléphone juste comme on lui répond. Il donne les informations nécessaires, sans quitter Minsu des yeux une seule seconde, toujours avec cette expression espiègle. Quand il raccroche enfin, il fait mine de rien. « Je peux te passer des vêtements secs, si tu veux. Les tiens doivent être détrempés. » lui propose-t-il avant d’enfin détourner le regard pour se diriger vers la commode se trouvant à quelques pas de son lit. Lui même devrait enfiler quelque chose, comptant au moins ramener l’autre à la porte de l’immeuble.
Il répond à mon baiser avec ce que je devine être de l’envie. Je lui fais de l’effet, autant qu’il m’en fait. C’est indéniable et nous n’avons pas besoin de nous le dire pour le savoir. Il suffit de regarder nos entrejambes pour comprendre à quel point nous avons envie de l’autre. Et si je pouvais, je passerais ma nuit à le dévorer ou juste à l’étreindre et l’embrasser. Il en a lui aussi envie même s’il m’a déjà appelé un taxi mais j’imagine qu’il serait plus raisonnable de nous arrêter là. C’est ce que je ne cesse de me répéter jusqu’à ce que ce soit lui qui rompe notre baiser ou plutôt notre succession de baiser. J’en étais incapable et je dois me faire violence pour ne pas retourner dévorer ses lèvres.
Je souris à ce qu’il me dit. Lui payer un verre ? Ce n’est pas un truc que je fais. D’habitude c’est tout le contraire. Je me fais payer des verres. Après tout je suis hoste et escort boy. Mais pas avec lui. Avec lui je fais ce que je ne fais pas avec les autres. Je me suis autorisé à le faire cette nuit et je suis en train de m’autoriser à recommencer. Est-ce vraiment raisonnable ? Non mais je vais quand même le faire. « Je ne serais pas en retard, ne t’inquiète pas pour ça. » Je pense même arriver en avance et me languir de le revoir. D’ailleurs rien qu’à cette idée je sens mon cœur battre bien plus fort et bien plus vite. C’est mal. Je ne devrais pas et pourtant je ne fais rien pour arrêter ce qui se passe entre nous. D’ailleurs je savoure plutôt notre baiser avant de lui murmurer : « Je vais rater mon taxi. » Je pose mon front contre le sien tout en fermant les yeux. Je ne veux pas le quitter même s’il le faut. « J’attendrais notre rendez-vous avec impatience… »
Seung Min allait se retourner à nouveau vers la commode, mais Minsu colle son front au sien, le prenant un peu au dépourvu. Ce type d'affection, c'était loin d'être au goût du policier qui revêt tout de même un masque de personne attendrie. Et puis le jeune homme parle de rendez-vous, et il se félicite mentalement d'être un excellent acteur, se retenant juste à temps pour ne pas afficher une expression qui aurait presque frisé le dégoût. Ce n'était pas une expression qu'il appréciait. Et puis sont dernier véritable rendez-vous c'était terminé avec une fille en pleure qui l'avait traité de tous les noms possibles avant de filer. Il était même certain qu'il était encore un adolescent lorsque c'est arrivé. Mais il joue le jeu. Il ne réponds pas, laisse l'autre profiter un moment. Et que d il considère que c'est raisonnable, il se retourne enfin pour attraper des vêtements et plaquer contre le torse de Minsu, retrouvant son sourire joueur. « Commence par t'habiller, au moins. »
Je le laisse m’échapper et se retourner pour me prendre des vêtements. J’en ai peut-être fait trop. Il faut que je me reprenne avant de le faire fuir définitivement mais surtout avant que je ne puisse plus faire machine arrière. C’est pour ça qu’il faut que je parte. J’esquisse d’ailleurs un léger sourire lorsqu’il me tend ses vêtements. « À vos ordres chef. » Je rigole à ma propre bêtise et accepte ce qu’il me propose, content de ne pas avoir à remettre mes vêtements mouillés. Et puis ça nous fera une bonne excuse pour nous revoir puisqu’il faudra que je les lui rende propres et repassés. Il a de la chance, je suis devenu malgré moi une fée du logis. En même temps, je n’ai pas vraiment le choix puisque j’élève mon neveu… Quand je vous disais que j’étais un cadeau empoisonné.
Je grimace un peu au moment de m’habiller. Pas facile de le faire avec la trique qu’il m’a donné. Enfin, ça finira par passer, j’espère avant que le taxi n’arrive, sinon j’aurais l’air fin à bander pendant le trajet. En ramassant mes vêtements éparpillés, j’en profite pour sortir une sucette de la poche de mon pantalon humide à cause de la pluie. À l’orange, comme l’autre. C’était déjà mon parfum préféré mais maintenant ça va me faire penser à Seung Min. « Est-ce que tu veux quand même mon numéro ou bien on prend le risque de ne pas se recontacter avant notre rendez-vous de la semaine prochaine ? » Je prends un ton léger comme si je plaisantais. Je ne veux pas en faire un drame s’il me dit qu’il n’en a pas besoin. Et pourtant, j’ai l’estomac tellement noué ! Et le cœur qui bat si vite ! C’est sûr que le stresse va m’aider à débander. Heureusement ma sucette m’aide à me concentrer sur autre chose en attendant la réponse fatidique.
La réponse de l’autre le fait rire doucement. Chef, huh? Il préférait Monsieur le Policier, mais bon c’était pas mauvais comme petit nom aussi. Il le laisse s’habiller et lui enfile un jogging, qui est beaucoup moins cruel sur son entrejambe. Oui, bien sûr qu’il avait fait exprès. Ça n’aurait pas été aussi drôle, sinon. Il lui jette un regard, visiblement amusé de le voir se battre avec le vêtements, et ne tente même pas de lui proposer autre chose. Le sourire sur ses lèvres est digne de celui d’un gamin ayant fait la meilleure plaisanterie du monde. Tout à l’honneur de Minsu, par contre, il termine de se vêtir. Seung Min penche un peu la tête de côté en continuant de l’observer. Ses vêtements lui allaient étrangement bien.
Quand il lui demande si Seung Min veux son numéro, il affiche un air pensif. Il doute qu’il l'appellera avant qu’ils se revoit la semaine prochaine, mais l’idée sadique de lui envoyer un message plus tard pour lui demander si le trajet c’était bien passé avait germée dans son cerveau. Il se dirige vers son lit pour prendre le téléphone sur sa table de nuit. Un différent que celui qu’il avait pris pour appeler le taxi, si Minsu est assez observateur pour le remarquer. Il se dirige ensuite vers l’autre, se glissant dans son dos pour y coller son torse. Il entoure ses hanches de son bras libre, s’assurant de caresser au passage son bassin, et ses lèvres retrouve la peau de son cou alors qu’il lui met le téléphone déverrouillé sous le nez. La page de nouveau contact déjà ouverte. « Je veux bien. » souffle-t-il au creux de son oreille. Il est décidé à ce que Minsu quitte son appartement le plus excité possible, visiblement.
Il ne répond pas. Je m’attends à un vent mais non… Il se dirige plutôt vers sa table de nuit et prend un autre téléphone. Il en possède donc deux. J’imagine qu’il y en a un perso et un pour son travail. Si j’en avais les moyens je ferais pareil. Ce serait plus pratique quoique… me connaissant je serais capable de m’emmêler les pinceaux. Et puis ce n’est pas comme si j’avais une vie personnelle et sociable très épanouie. Je n’ai pas vraiment le temps. En dehors de mes frères, de mon neveu, de ma Noona et de Xun, je ne fréquente pas grand monde. Et encore, dans le cas de Xun, je croise davantage son chat que je nourris à sa place, que lui depuis quelque temps…
Il revient vers moi mais au lieu de se placer en face, je le sens se glisser dans mon dos contre lequel il ne tarde pas à coller son torse. Je sens un frisson de plaisir me traverser notamment en sentant son entrejambe frôler mes fesses. Inconsciemment je me mords la lèvre inférieure tout en imaginant tout ce que nous pourrions faire si ce taxi n’était pas sur le point d’arriver. Lui faire l’amour a été particulièrement bon mais l’idée de m’offrir à lui m’excite tout autant…
Je laisse échapper un soupir de plaisir en sentant son bras, sa main mais également ses lèvres sur mon corps. Mon dieu ! Ce type me fait perdre complètement la tête et j’ai bien du mal à me reconnaitre. Je ne suis pas comme ça d’habitude. Moi qui passe mon temps à mentir, à simuler… moi qui ne ressent jamais rien pour mes partenaires… Avec lui c’est un vrai torrent d’émotion et de plaisir qui me fait perdre complètement mes moyens.
Je pose les yeux sur l’écran qu’il me présente tout en sentant ma respiration s’accélérer. Mon cœur bat déjà la chamade et n’est pas prêt de s’arrêter surtout s’il continue de s’amuser comme ça avec moi. J’aimerais par moment qu’il arrête pour que tout soit plus simple entre nous mais dans le même temps j’ai envie que ça continue et que le moment de nous quitter n’arrive jamais.
Je pianote doucement mon numéro sur l’écran de son téléphone. J’ai du mal à me concentrer à cause de ses attentions mais une fois ma tâche terminée, je me retourne vers lui et passe mes bras autour de son cou pour lui donner un fougueux baiser, collant par la même occasion mon bassin brûlant d’envie contre le sien. Ce n’est qu’à bout de souffle que je relâche mon étreinte avant de lui murmurer : « J’ai tendance à rater les appels. Alors envoie moi plutôt un message. » Je mords alors doucement sa lèvre inférieure avant de me détacher de lui.
Encore une fois, Minsu se retourne pour poser ses lèvres contre les siennes, sans manquer de lui faire sentir le dur fruit de son labeur. Le policier répond au baiser avec envie, mais aussi avec une petite pointe de fierté. Toute la soirée avait été comme un match entre eux et c’est lui qui comptait les derniers points. Il adorait cette petite dynamique entre eux, et il avait bien l’intention d’être l’heureux vainqueur la prochaine fois aussi.
Les lèvres de l’autre le quitte et cette fois c’est vraiment pour la dernière fois alors qu’il s’éloigne. « Je m’assurerai de t’écrire alors. » répond Seung Min avec un sourire moqueur. Il semble bien se contenir malgré l’excitation du moment, se dirigeant vers la porte pour pouvoir la déverrouillée. « Ton taxi doit surement t’attendre, maintenant. » ajoute-t-il en posant une main sur la poignée de porte, la serrant jusqu’à ce que ses jointures blanchissent, tentant simplement de diriger son attention ailleurs. L’étrangeté de la situation l’amuse, par contre. Mais il ouvre la porte à l’autre, presque galant, pour le laisser quitter son appartement, lui lançant d’un ton suggestif qui en dit plus long que les mots eux-mêmes. « On se voit la semaine prochaine, Minsu. »
Va-t-il réellement m’écrire ? Je n’en sais rien et dans le fond, est-ce réellement important ? Pas pour le moment. J’ai passé une nuit incroyable et je dois avouer qu’il me laisse un peu sur ma faim alors qu’il me reconduit jusqu’à la porte de son appartement. C’est une élégante manière de me dire au revoir, de toute façon un taxi m’attend en bas et je vais avoir l’air fin en m’y présentant alors que je suis toujours en train de bander. C’est particulièrement gênant et pourtant, je ne regrette rien. Du moins pas encore mais peut-être que je changerais d’avis demain matin quand je réaliserais ce que je viens de faire. Quand j’aurais pleinement conscience que j’ai trahi ma promesse et que je faiblis pour un parfait inconnu. Je m’étais pourtant juré après Min Su de ne plus jamais me laisser distraire… « Oui, on se voit la semaine prochaine. Ne m’oublie pas. » Parce que moi, je ne t’oublierais pas…
J’ai un sourire un peu bête dessiné sur le visage alors que je quitte son appartement. J’ai un peu mal à l’estomac aussi car j’ai soudain peur… Peur de ne plus le revoir. Peur d’avoir franchi la ligne pour rien ou du moins pour une histoire d’un soir… Pourtant je ne peux pas me permettre de lui offrir plus. Je ne peux pas et je n’en ai surtout pas le droit. Je ne suis pas un garçon bien et pour le moment je n’ai pas d’avenir. Mais qui sait ? Un jour je deviendrais médecin, j’effacerais mes dettes et mon passé d’escort boy sera loin derrière moi.
Je le salue d’un geste de la main avant de m’éloigner de son appartement. Je ne sais pas si le taxi est déjà arrivé ou s’il n’est pas déjà reparti. Et puis au final, je ne le prendrais peut-être pas. Marcher me fera du bien et devrait apaiser ma gaule. En plus je n’aurais jamais le courage de me présenter comme ça devant un parfait inconnu. On pourrait me prendre pour un pervers.