Journée de repos, météo déprimante et personne à voir ... L'ennui guette et le temps à tuer trop long. Seong-Hun traîne comme une âme en peine dans son salon et soupire une nouvelle fois après avoir lancé un regard plein d'espoir à travers la fenêtre. Le temps était bien décidé à rester morose et ne lui permettrait pas une sortie sans risquer de rentrer trempé jusqu'aux os. Il se dirige alors vers ses boîtes à trésors et albums du souvenir. Trouvailles en main et confortablement installé dans son canapé, le brun est paré pour se replonger dans le fil de sa vie ....
Premier cliché qui se présente sous les doigts nerveux de l'ex militaire. On peut y voir un jeune garçon aux joues encore bien rebondies avec un sourire un peu effacé sur le visage. Il ressemble comme deux gouttes d'eau à Seong-Hun, une dizaine d'années en moins ceci dit. Mais il n'est pas seul non plus, il est accompagné par une dame au sourire tout aussi triste le tenant par les épaules. Le geste est plein de retenue, mais il n'y a pas de doute qu'un lien de parenté unissent ces deux personnes. Au vu de l'air de ressemblance, sans doute que la dame aux côté de ce garçon n'est autre que sa mère. Si l'on observe mieux la photo, et malgré le flou de l'arrière plan on peut discerner un bâtiment aux airs rétrofuturistes. Les plus connaisseurs reconnaîtront la patinoire de Pyongyang s'ajoutant à la longue liste des infrastructures sous-utilisées du régime totalitaire.
Cette photo, Seong-Hun s'en souvient parfaitement. La personne derrière l’appareil n'était autre que son père, pas peu fier d'avoir pu rassembler assez d'économies pour s'offrir pareil luxe. Certes la vie était morne dans le pays qui l'a vu naître, mais l'ex-militaire s'estime tout de même chanceux. Sa famille faisant partie de ceux que l'on appelle les bons sympathisants, ils menaient une vie plus aisée que la moyenne, son père occupant un poste à responsabilité. Toutefois, son jeune âge l'empêchait à l'époque de bien comprendre quel métier il pouvait bien occuper. Voilà pourquoi aujourd'hui il est encore capable d'avoir une idée de ce que ceci pouvait bien être. Quant à sa mère, elle n'a jamais voulu en reparler, ce pan de sa vie devant rester un livre fermé, ou alors de mauvais souvenirs enterrés. Ce qu'elle et son garçonnet ignoraient à l'époque , c'est que leurs vies allaient subir dans les mois à venir des changements majeurs. Cette journée de liesse n'étant qu'un prétexte pour créer de derniers heureux souvenirs avant le grand départ....
Bien que faisant partie du bon peuple, des gens respectables, il n'empêchait que le père de Seong-Hun espérait bien mieux pour lui. Bien mieux qu'une vie remplie de dogmes étriqués et sans cesse limitée par les ambitions démesurées d'un dictateur qui n'hésitait pas à affamer son peuple. C'est ainsi que ce dernier avait pris la décision de fuir son pays et de trouver asile à la Corée du Sud déjà florissante à l'époque. Toutefois, le quadragénaire était on ne peut plus conscient des dangers qui l'attendaient lui et sa famille pour leur offrir cette nouvelle vie. Ceci avait passé dans un premier temps dans une levée de fonds réparties sur de longues années de dur labeur. Épargne clandestine dont ni la mère du petit garçon ni lui étaient au courant.
Les desseins du père de famille ne furent révélés que cette nuit de 12 février 1997. «Empaquetez que le nécessaire.» Il était alors minuit passé, un silence de mort régnait comme à l'habitude dans les rues désertes de Pyongyang. Le sommeil alourdissait alors encore les paupières de Seong-Hun qui ne comprenait encore pas très bien ce qu'il se passait. Habillé de force par son père tandis que sa mère remplissait leurs maigres bagages, le petit envoyait des regards plein de pourquoi à son paternel qui lui intimait le silence. Sage, il avait obtempéré et enfilé ses chaussures, pas vraiment plus au fait de ce qu'il pouvait bien se passer. Perdu, il avait grimpé dans l'arrière d'une fourgonnette qui avait connu des jours meilleurs où se tassaient déjà une dizaine de personnes.
Ce fut la première et unique fois de sa vie où il vu son père les yeux brillants lui dire qu'il l'aimait... Ce qu'ignorait encore à l'époque le petit garçon, c'est qu'il voyait pour la dernier fois de sa vie « abba ». En effet le fameux voyage offert par ce dernier était un aller sans retour vers la liberté. Un voyage que son père n'avait pu s'offrir, il avait préféré offrir ce don à celle qu'il avait appris à chérir et à la chair de sa chair. Quelques jours plus tard, monsieur Choi était déclaré ennemi de la patrie et coupable de haute trahison. Son exécution n'avait pas tardé, toutefois, ce n'est que bien des année plus tard que lui et sa mère apprendront ce fait dont ils se doutaient de toute manière, l'indulgence ne faisant pas partie de la ligne directionnelle de l' homme au pouvoir.
Dieu qu'il faisait froid cette nuit là, Seong-Hun se demande encore aujourd'hui ce qui pouvait bien plus le faire grelotter dans ses habits d'hiver. La température glaciale, ou les pleurs étouffés des enfants qui ne comprenaient pas ce qui leur arrivait. Sa mère aussi semblait accuser le coup, lui serrant tellement la main qu'il croyait qu'elle allait la lui broyer. De nombreuses fois ils crurent que leur dangereux périple allait se stopper avec cette satanée machine qui poussait des gémissements en provenance direct des enfers. Du reste du voyage, il n'en n'a guère souvenir, la fatigue parvenant à le remporter dans les bras clément de Morphée...
À son réveil, secoué par sa mère, il découvrit des lieux inconnus où les gens conversaient dans un dialecte à la fois étranger et familier. Ils étaient arrivés à leur première destination : Pékin, haut lieu de toutes les personnes voulant fuir la Corée du Nord. Mais leur périple était bien loin d'être terminé. Il allait leur falloir se faire discret jusqu'à Shanghai pour embarquer illégalement dans l'un des grand conteneur du port, et enfin arriver sur les terres plus clémentes de la Thaïlande à Bangkok où ils seraient en sécurité pour demander asile. Dit ainsi, ça semblait presque facile, et pourtant.... Ils avaient à peine réalisé un tiers de ce voyage cauchemardesque. Mais pas le temps de réfléchir, il fallait se presser pour sauter dans un nouveau moyen de transporte tout aussi chaotique.
Le chemin jusqu'à Shanghai avait paru interminable au petit garçon, sans doute parce que cette fois-ci, il était parfaitement éveillé. À choisir, il aurait aimé se rendormir et n'ouvrir les yeux qu'une fois en sécurité. La peur au ventre, sa mère tentait tant bien que mal de le rassurer, à moins qu'elle ne le faisait pour elle, sûrement un peu des deux. Il se rappelle du doudou lapin qu'il avait ramassé par terre pour le tendre à une petite fille qui pleurait, ils ne connaissaient rien de l'autre, mais une entente de circonstance s'était installée le temps du voyage. Tuant le temps en jouant, ce n'est pas pour autant que tout leur sens étaient en alerte, au moindre faux pas, on pouvait les dénoncer et les ramener comme tant d'autres à une mort certaine. C'était comme ça que l'on punissait les déserteurs, ils le savaient tous...
Après une dernière halte, les voici enfin arrivés à destination après 3 jours de voyage déjà. Maintenant il leur restait la dernière étape : parvenir à se faufiler dans un conteneur et rejoindre les côtes thaïlandaises.... Cette fois-ci, plus personne ne parlait, un silence de mort régnait, c'était chacun pour soit, premiers arrivés premiers servis. Malin comme un petit singe, Seong-Hun s'était faufilé, suivi de près de sa mère, dans un conteneur qui se confondait avec la nuit. Mais l'intérieur était plus sombre encore, là, aucun rai de lumière pour donner un semblant d’éclairage. Juste l'obscurité et le calme...
Il attendirent comme ça jusqu'au lendemain matin où ils furent réveillés par la structure en mouvement, déplacé sur le cargo qui allait les faire transiter jusqu'à un autre pays. C'était la première fois que Seong-Hun prenait la mer, et bien qu'un peu brassé car peu habitué, il tomba amoureux des mouvements réguliers de la houle. Ce qu'il ignorait, c'est que cet amour allait influer sur sa vie d'adulte. Mais pour le moment, il pensait surtout à son présent qui se conjuguait étrangement au conditionnel. Combien de temps allaient-ils encore rester dans cette boîte qui fleurait des relents métalliques qui saturaient ses poumons ? Et papa ? Il allait les rejoindre après tout ça non ? Le connaissant, il les attendait déjà de l'autre côté. Hein ? C'est ça ?
Pourtant, à l'arrivée, pas de papa, juste lui et sa maman qui lui tenait fermement sa main encore potelée par les jeunes années. Elle semblait autant soulagée que triste, il ne comprenait pas. Surtout qu'elle lui avait assuré que « Papa arrivera d'ici quelques mois ». Un mensonge que son innocence et sa crédulité avaient bu comme du petit lait. Mais une fois encore, pas le temps de souffler, il leur fallait aller demander asile à l'ambassade de Corée du Sud. Et une fois encore il leur fallut être patients, restants plusieurs semaines à espérer le feux vert, leurs papiers pour entamer une nouvelle vie....
Une main glisse jusqu'à une prunelle humide, et merde, voilà qu'il s'était laissé une fois de plus emporté par ses souvenirs ... Qu'est-ce qu'il aurait aimé un peu plus profiter de son vieux, le voir fier, le voir l'engueuler, le voir vivre .... Une autre photo se présente à la vue encore un peu brouillée du brun. Là on peut le voir sous un sapin décoré avec un goût discutable un petit garçon tenant dans les mains un appareil photo entré de gamme entre les mains. Toute dents dehors, moins une, il posait crânement en faisant mine de prendre un cliché. Une tâche sombre au coin supérieur droit aux contours rosés indique que la personne est sans doute peu habituée à manier l'appareil qu'elle tient entre les mains.
Défaut impardonnable pour certains, souvenir en plus pour Seong-Hun qui tient tout particulièrement à cette photo. C'était le premier noël qu'il fêtait et il adorait déjà l'ambiance qui entourait toute cette période magique. Toutefois, tout n'était pas tout beau tout rose et leur première année en Corée du Sud n'avait pas été de tout repos pour le garçon comme pour sa mère. Ils s'étaient dans un premier temps heurtés au racisme anti Coréen du Nord et se faisaient sans cesse traiter d'espions. Pour leur bien, ils avaient peu à peu appris à dissimuler cette information et avaient du tant bien que mal attraper le train fou de la technologie. Et ils revenaient de loin... Pour eux, le simple fait d'avoir de l'eau et de l'électricité en pressant un simple bouton relevant d'une prouesse.
Un autre fait fut de bien évidement se re-créer toute une vie. Reprendre l'école et s'adapter au système scolaire Sud Coréen pour Seong-Hun, trouver un travail et parvenir à élever un enfant en tant que mère célibataire. D'ailleurs, malgré les cancans que ceci a toujours bien pu provoquer, la mère de l'ex-militaire est encore aujourd'hui célibataire et ne s'est jamais remariée. Une force de caractère que le jeune homme admire et une reconnaissance sans faille l'anime lorsque l'on lui parle de celle qui l'a mis au monde. Il n'est pas sûr qu'il aurait aimé autant sa mère qu'aujourd'hui si ils n'avaient pas traversé tout ceci ensemble... Mais là n'est pas le sujet.
Des coups et des insultes, ah ça il en a pris dans la poire, mais il baissait la tête penaudement et avait retenu des sages paroles maternelles que les autres avaient juste peur de ce qu'ils ne connaissaient pas. Il était donc allé au delà de cette dernière et avait déployé plus d'amitié encore pour construire un pont vers le cœur craintif de ses camarades de classe. C'est ainsi que Choi l'espion devint juste Seong-Hun le pitre de la classe. Ravi de son rôle d'amuseur public, ce n'est pas pour autant qu'il dérangeait la classe. Toutefois de là à dire que c'était une lumière.... Il ne fallait pas pousser, l'école n'était pas faite pour lui et il n'était pas faite pour elle. Le seul accord qu'ils semblaient avoir était de permettre au petit garçon d'obtenir la moyenne et de passer dans les classes supérieures. Fait qui exaspérait sa mère qui aurait aimé le voir se classer dans le tableau d'honneur, mais peu importe, il était heureux. Tout ce qu'elle espérait pour lui, c'est qu'il trouverait sa voie et deviendrai quelqu'un de bien...
Nouveau cliché, nouveau souvenir. Toutefois, il n'est pas immortalisé sur du papier glacé, mais sur une coupure de journal religieusement conservée sous un film plastique. On peut y voir un jeune brun qui sourit de toutes ses dents qui tient un chat roux entre ses bras. Il est habillé de l'uniforme des jeunes pompiers volontaires de Séoul et on peut voir se dessiner sous les manches courtes un début de musculature dont le jeune homme ne devait pas être peu fier. On peut lire en caractère gras « Les jeunes pompiers volontaires de Séoul continuent de faire honneur au pays ! ». Un léger sourire se dessine sur les lèvres pleines de Seong-Hun qui se traite mentalement de poseur.
Le brun s'était engagé à l'âge de 16 ans chez les pompiers volontaire. Il avait appris à aimer son pays d'accueil et Terre d'asile. Pour lui, c'était un moyen de rendre service et de se préparer à la carrière militaire qu'il envisageait depuis ses 12 ans après avoir eu l'occasion d'échanger avec un militaire qui avait su susciter une vocation chez l'adolescent. Certes il avait du batailler pour parvenir une fois de plus à s'intégrer à cause de ses origines, mais au lieu de le décourager il s'était encore plus donné. Son cœur de lion est bien loin de dater d'hier, Seong-Hun l'étant depuis son plus jeune âge.
La Corée du Sud, putain qu'est-ce qu'il l'aimait et l'aime encore aujourd'hui. Si certains le considèrent comme une sorte de martyr des temps modernes, lui ne voit pas ses origines comme telles. Sans doute parce qu'ils faisaient partie des gens tout de même « aisés » dans ce pays austère, et aussi parce qu’il peut bien mieux mesurer l'étendue de la chance qu'il a de mener la vie qu'il a. Un fait que l'on tend à oublier lorsque l'on est né dans le confort auquel on s'est habitué et que l'on veut toujours plus grand. Le brun ne blâme pas le second point, aimant lui-même avoir son petit confort et aime posséder de belles choses pratiques.
Bien moins grand dans le temps, la photo juxtaposée à ce premier haut fait date de la même époque. C'est un cliché pris en plongée, le bras visible sur le côté de ce dernier indiquant qu'il a été pris par l'un des deux modèles apparaissant à l'image. Du côté droit, le visage nous est familier, de l'autre, une sublime jeune femme au regard profondément bon et au sourire ravageur. Ses cheveux longs et lisses volent au vent et chatouillent le cou du jeune homme brun lui aussi qui rit au éclat. Pour sûr que ce sont deux amoureux qui prennent la pose pour immortaliser un instant heureux. Peut-être que la main élégante aux ongles parfaitement manucurés posée sur l'épaule du photographe peut donner un indice, voir la réponse. Une bague de fiançailles dorée ornant l’annulaire de cette dernière. De nouveau, les prunelles de Seong-Hun deviennent humides et un doigt vient caresser le souvenir chéri.
La sublime créature à côté de lui n'est autre que Su-Jin. La belle Su-Jin qu'il a rencontré à 15 ans et dont il est tombé raide dingue en un fragment de secondes. Coup de foudre réciproque, un échange de regard et l'évidence était écrite ... C'était Lui, c'était Elle. Ça sonne cliché ? Peut-être, mais quand vous rencontrez la personne qui vous donne la certitude d'être la bonne, le doute n'existe pas. Si c'est le cas, alors peut-être que c'est pas encore votre tour. Seong-Hun avait assez rapidement demandé à la belle si elle était disponible pour un ciné. Le soir-même, ils échangeaient leur premier baiser.
Et des premières fois, Su-Jin en a eu un bon nombre. Pour lui, c'était écrit, il passerai le restant de ses jours avec cette beauté. Il l'emmènerai à l'autel, il lui ferai des enfants et ils s'endormiraient paisiblement en tenant la main de l'autre lorsqu'il sera l'heure de partir. Toutefois, la jeune femme doutait parfois, son fiancé tendant à oublier qu'avec la carrière qu'il envisageait elle se retrouverait presque seule à élever leurs enfants pendant que monsieur serait en mission. Le jeune homme lui, se disait avec la fougue qu'il tiendrait de front vie familiale et sa carrière avec l'idéalisme dont seule la jeunesse a le secret. Quelle naïveté..
Les pages défilent, un doigt se pose non loin d'un nouveau cliché. Plus de crinière brune désordonnée, il ne reste que quelques millimètres sur le crâne de la jeune recrue immortalisée. Fier et planté droit comme un i, le jeune homme arbore une attitude crâne en arborant les couleurs du pays. Le Pilseung est parfaitement réalisé et on semble presque pouvoir palper la volonté de bien faire. C'est un jour d'été et bien d'autres jeunes hommes entre 18 et 30 ans sont présents, sur la photo légèrement écornées, on peut lire derrière la photo écrit au marqueur noir « Promotion Marine . Été 2007 ».
Ce jour là, Seong-Hun l'avait tant attendu, en rêvant la nuit au jour où il a connu la date de son enrôlement. Et pour parvenir à se faire enrôler, le jeune homme avait suivi un véritable parcours du combattant avant même d'avoir posé un seul pas en camp d'entraînement. En effet, d'origine Nord Coréenne, monsieur Choi, bien qu'exilé politique, pouvait représenter une menace pour la nation Sud Coréenne. S'était alors engagée une lutte acharnée entre lui et les autorités afin de pouvoir s'enrôler comme tout jeune de son âge et suivre la carrière militaire qu'il désirait tant. Il ne s'était pas caché pourtant lors de ses études de vouloir suivre la voie des armes. Et pourtant, pas une seule fois l'on lui avait dit qu'il risquait de se heurter à un mur. Sûrement encore des failles juridiques dont personne ou presque a les clefs...Du genre persévérant, il ne s'était pas démonté et avait remué ciel et terre pour poursuivre son rêve... Résultat ? Quelques mois après avoir été diplômé le jeune Seong-Hun portait les couleurs de la Corée du Sud afin de réaliser son service militaire.
Toutefois, ses débuts furent chaotiques, les autres recrues ayant eu vent de ses origines. C'est ainsi que les doux surnoms de traître, de collaborateur et de sale Nord Coréen lui giflaient de temps à autre le visage au détour d'un couloir. Mais, une fois encore il en avait fait fis et au lieu de rétorquer il avait préféré montrer sa valeur par ses actes et en se surpassant chaque jour au sein de sa garnison. Si bien, que c'est à cette époque, alors qu'il réalisait encore son service que l'on lui avait proposé une place dans une base Coréano-Américaine d'élite où il pourrait poursuivre sa carrière son service terminé. Une donnée qu'il avait bien entendu gardée secrète afin de ne pas mettre le feu au poudre. Il a tout de même bien fini par se faire quelques « potes de garnison » comme il aime les appeler et il lui arrive même encore aujourd'hui de prendre un verre avec certains.
Une autre photo de ces années trône un peu plus loin. Sur celle-ci, un bandage barre le torse dénudé du brun alité. On peut voir maintenant un homme qui comme tout soldat a du en voir passer. Un autre homme est présent sur le cliché, ce dernier porte la barbe, nette et bien taillée, et est châtain. Les sourcils froncés et l'air concerné, il semblerait qu'il est en train de réprimander son cadet. Sans doute pour les blessures qu'il a sur lui. Toutefois, le plus jeune semble s'en moquer et rit à gorge déployé. Une chose est sûre, un lien lie ces deux personnes qui ont très certainement combattu ensemble. Un sourire s'esquisse brièvement du côté du présent, Seong-Hun secouant doucement la tête.
Le beau gosse... Quoi ? C'est gay de reconnaître la beauté masculine ? Il faut appeler un chat, un chat. L'homme à côté de lui, ce n'est autre que son ancien « chef » bien que le titre exact serait major. Et oui, il était bien encore en train de lui rouspéter dessus, une habitude qu'avait pris les deux hommes qui avaient traversé beaucoup ensemble... En effet, Seong-Hun s'était retrouvé presque immédiatement muté dans cette fameuse caserne son service militaire terminé. Ses camarades se sauvaient en courant rejoindre leurs copines, leurs amis, leur familles, lui il restait là et re-signait. Il y avait d'ailleurs eu une petite dispute avec Su-Jin à l'époque, cette dernière espérant secrètement qu'il revienne au civil. Mais à quoi bon vouloir attacher ce courant d'air ? Elle avait donc fini par céder.
Dès son arrivée, le Coréen avait du jouer des coudes pour se faire une place se faisant joyeusement appeler « minette » ou « razibus ». Il fallait dire que ne toisant que le mètre soixante dix-sept, il faisait office de nain au milieu de cette caserne où la plupart des gaillards atteignaient ou dépassaient le mètre quatre-vingt dix. Une injustice génétique pour Seong-Hun qui avait doublement poussé la fonte pour rattraper ce qui lui manquait en hauteur en largeur. C'est à cette époque qu'il a fait la connaissance de Marcus Moore qui l'avait rapidement mis dans le bain. Aussi loin qu'il s'en souvienne, ils ont toujours été dans la même unité et ce dernier toujours son supérieur. Ils ont gravi les échelons ensemble et c'est ainsi qu'en toute logique il est un jour arrivé à se tenir à ses côté en tant que maître principale.
Sinon, pour revenir sur cette fameuse photo, le soldat Choi s'était une fois de plus illustré par sa bêtise. Terme employé par son supérieur pour amoindrir ses élans de courage jugés irraisonnés. Mais le plus jeune savait bien que dans le fond, si son aîné gueulait, c'était surtout parce qu'il s'était inquiété. Jamais Seong-Hun n'avait vu un chef aussi humain, et il se disait à l'époque que si il n'était plus sous ses ordres, il quitterait probablement son poste. Il fallait dire qu'il ne se voyait guère seconder autrui, idéalisme bonjour. Il savait pertinemment ce jour là que sa belle lui enverrait tôt ou tard une lettre incendiaire où elle le traiterai d'imbécile d'avoir encore risqué idiotement sa vie. Pour lui, c'était naturel de se prendre une balle pour son major, voilà tout. Ah c'était vraiment le bon temps, sa vie était alors tellement facile.....
Plus de joli album, juste une boîte en carton laquée en noir. Dedans, un bon nombre de clichés se ressemblant tous plus ou moins ou pris à des endroits à la localisation sensiblement identique. Une photo se détache par hasard du lot, la main l'attrape pour mieux l'observer. Il fait sombre et ce ne sont que les éclairages de la sortie de service qui éclairent la scène. À travers l'image, on peut ressentir la précision presque chirurgicale avec laquelle la prunelle derrière l'objectif disséquait la scène. Les plus perspicaces, ou les plus fouineurs, reconnaîtront les arrières du Clover Hospital. Une bien singulière zone d’investigation quand on y pense, qui pourrait bien vouloir enquêter sur cet organisme aux généreux donateurs... La main du brun se crispe et froisse le cliché pour le jeter rageusement contre le mur.
De l'eau a coulé depuis comme on dit. Il y a quelques minutes on quittait l'ancien Marin's au plus haut de son potentiel et là... l'on assistait à l'énorme débandade qu'était devenue sa vie.... En 2016, Su-Jin avait du être hospitalisée après la découverte d'une Endométriose à un stade relativement avancé, mettant en péril sa santé et ses chances d'un jour avoir un enfant. C'était à regret qu'il avait laissé sa fiancée rentrer en salle d'opération sans lui pour la retrouver à son réveil. En effet, le militaire n'avait pas réussi à obtenir de permission pour cette période. Bien évidement, sa douce lui avait promis de lui envoyer une lettre dès qu'elle serait remise.... Toutefois, seule sa mère l'avait informé que cette dernière avait mystérieusement disparu après son opération qui s'était très bien passée. Madame Choi l'avait même vue le jour de sa sortie. La semaine d'après, l'appartement de Su-Jin avait été vidé, et la belle évaporée.
Il avait été anéanti à l'époque, tentant par tous les moyens de la retrouver. Mais rien n'y faisait, elle s'était mystérieusement effacée de sa vie et n’apparaissait nulle part... Avait-elle changé d'identité ? Elle se cachait ? Une personne l'avait enlevé ? Tant de questions pour si peu de réponses... Mais le sort ne s'en était pas arrêté ici, son supérieur annonçant sa retraite anticipée et son retour à la vie civile du jour au lendemain. Une presque trahison pour l'équivalent de son bras droit, comment avait-il pu lui cacher pareille chose ? ... Désemparé, il avait fait sa demande de démission quelques semaines après. On avait bien tenté de lui faire entendre raison, en vain, il restait sourd aux mots de ses supérieurs hiérarchiques....
Aujourd'hui, Seong-Hun est de retour dans le civil, enfin, presque. Ayant du service au sein d'une unité en partie gérée par l'armée américaine, il a pu intégrer une des succursales de la SWAT située en Corée du Sud. De quoi s'occuper l'esprit, mais aussi, être au plus prêt de l'action et enquêter sur la fameuse disparition de sa bien aimée qu'il compte bien élucider....